Bibliographie

CORNUT, Guy & al.
(actes de colloque)

Moyens d'Investigation et Pédagogie de la Voix Chantée

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Cet ouvrage réunit les actes d'un colloque qui a réuni au Conservatoire National de Région de Lyon, les 8, 9 et 10 février 2001, plus de deux cents participants : médecins phoniatres, orthophonistes, professeurs de chant, chanteurs, chefs de choeur.

Très soigneusement réalisé, cet ouvrage comprend un glossaire, un index, une bibliographie et un CD-ROM qui reprend les figures imprimées et complète le texte des conférences par des extraits sonores.

Cet ensemble de 14 conférences présente l'intérêt d'aborder la voix chantée sous de nombreux angles successifs, depuis la respiration et la vibration laryngée jusqu'au chant en choeur, en passant par la phonétique, les registres, la mue de l'enfant etc.

La technique vocale du bel canto ne fait cependant l'objet d'aucun exposé. Tous les textes tournent autour mais aucun ne l'aborde de front. Plusieurs intervenants mettent par ailleurs un point d'honneur à relativiser cette technique pour la resituer, de manière politiquement correcte, parmi les multiples techniques et cultures vocales de la planète.

Un autre écueil de ce type de recueil consiste en son morcellement même. Si l'intérêt de points de vue différents est indubitable, on ne peut qu'imaginer les discussions passionnantes entre intervenants et public qui ont dû prolonger les conférences de ce colloque.
Une formation de médecin ORL représente hélas une dizaine d'années d'étude, autant qu'une formation de chanteur. Très peu de personnes arrivent à mener les deux de front tout en arrivant au plus haut niveau dans chaque discipline et en conservant la passion de les explorer et de les faire dialoguer.

Les deux premiers textes, d'Annie Trolliet-Cornut et Guy Cornut, sont clairs sans rien apporter de révolutionnaire.

Bernard Roubeau expose ensuite sa distinction entre registres laryngés et registres résonantiels, qui était aussi le sujet de sa thèse. On peut toujours questionner d'une part cette distinction elle-même, parce qu'elle introduit des "sous-registres" résonantiels divisant les registres laryngés, voire les recouvrant, de part et d'autre d'un "passage laryngé", d'autre part la pertinence de ces appellations, les registres "résonantiels" étant en fait aussi caractérisés par des modifications au niveau de la vibration laryngée, mais simplement moins radicaux que ceux que l'EGG (électroglottographie) permet de mesurer facilement. Rappelons que l'EGG ne rend compte, comme le rappelle Bernard Roubeau page 22, que du seul paramètre de la surface d'accolement des cordes vocales !
Dans la contribution précédente, Guy Cornut parle d'ailleurs de la voix mixte comme étant un "mode vibratoire intermédiaire" dans lequel on "mélange les deux mécanismes", et page 88 Paolo Zedda semble émettre quelques réserves directement dirigées contre son coconférencier !
On attend en tout cas toujours une étude sérieuse qui serait réalisée sur de vrais chanteurs professionnels et qui mesurerait toutes le subtilités des multiples manières de négocier le passage dans des nuances et avec des intentions différentes. Les études actuelles ne semblent encore être qu'une piètre caricature cherchant plus à isoler des mécanismes identifiables, voire à mettre en valeur des cassures (ainsi page 21 en faisant chanter un glissando ascendant et non d'abord descendant), qu'à rendre compte de la réalité complexe d'un chant cultivé et maîtrisé. Si l'on peut déjà remettre en question les simples conditions d'enregistrement des extraits sonores en laboratoire, cette démarche peut devenir franchement déconnectée de la réalité quand elle se fonde sur des phonétogrammes, c'est à dire des notes artificiellement isolées dont on ne prend en compte que les variations d'intensité !
On peut aussi questionner ces phonétogrammes eux-mêmes, par exemple celui de la figure 14 : comment admettre qu'une chanteuse confirmée puisse descendre en mécanisme 2 jusqu'à une tierce au-dessus de la limite de son mécanisme 1 et avec une intensité voisine? Comme penser qu'il ne s'agisse pas d'une voix mixte très proche de la voix de poitrine, c'est à dire incorporant une bonne part des caractéristiques du mécanisme 1? On observe d'ailleurs un décrochement de l'intensité vers le haut en-dessous du mi3 du phonétogramme dit en mécanisme 1, tandis que celui dit en mécanisme 2 continue sa descente de manière homogène. Ne s'agit-il pas alors d'une voix de poitrine brute en-dessous du mi3 dans le premier cas, et d'une voix de poitrine cultivée, donc légèrement "mixée", dans le deuxième cas?
Page 30, on peut aussi s'étonner de l'assertion selon laquelle "les femmes utilisent principalement le mécanisme 2", et de l'oubli des voix féminines dans le paragraphe suivant, quand l'auteur mentionne les types de voix qui sont amenés à "gommer" le passage de manière subtile. Bernard Roubeau inclut par contre les haute-contre, qui ne sont pas franchement concernés s'il s'agit de véritables ténors aigus légers qui ne passent jamais en pur fausset même si leur timbre comme leur émission s'en rapproche dans l'aigu.

Virginie Woisard-Bassols nous offre un exposé intéressant et bien illustré sur "Phonétique et articulation", auquel il ne manque qu'un génie propre, une expérience de chanteuse et peut-être quelques lectures supplémentaires. (On s'étonne qu'elle ne cite pas Titze, qui vient pourtant plusieurs fois à l'esprit, et Coffin serait sans doute aussi une étude intéressante pour approfondir sa démarche.)

Le brillant mais court survol de l'"Histoire des techniques vocales" par Jean-Blaise Roch donne envie de lire un ouvrage entier de cet auteur.

François Combeau reste effectivement au niveau des principes de la méthode Feldenkrais, comme le suggère le titre de sa conférence. Certes politiquement très correct, son exposé oscille entre le bon sens et l'approximation fourre-tout.

Paolo Zedda est comme à son habitude très engagé et donc intéressant, parsemant son exposé de petites piques amusantes dont on devine les destinataires entre les lignes quand ils ne sont pas nommés aussi clairement que Daniel Ferro ! On aimerait que ses remarques récurrentes sur la nasalité et la voix mixte fassent l'objet de développements approfondis, car ce sont effectivement les points centraux de complexité non encore élucidés par la science et source de confusion entre professeurs et élèves !

Les deux exposés de Jocelyne Sarfati et Cori Casanova sur les voix d'enfants sont certainement très riches d'enseignement pour les personnes qui font chanter des enfants.

Trân Quang Hai fait son exposé habituel sur le chant diphonique. Marie-France Castarède parle du choeur sous l'angle du groupe, angle pertinent et inétressant. Marianne James conclut le volume sur une note humoristique.