Décambrure

Une étonnante unanimité existe sur la question de la décambrure : tous les pédagogues ayant traité la question conseillent un certain degré de décambrure de la colonne vertébrale au niveau des vertèbres lombaires.
Certains justifient leur demande par le souhait d'un retour à une certaine animalité, allant parfois jusqu'à affirmer que nous serions bien mieux à quatre pattes, et que la stature debout est finalement très artificielle.
D'autres associent la décambrure à la possibilité d'une respiration lombaire, ou à une meilleure verticalité, un meilleur ancrage dans le sol.

Unifier le corps est un des objectifs que j'ai fixés aux exercices physiques que je présente ici (voir leur introduction).
Un corps excessivement cambré sera comme en deux morceaux. L'axe vertical de sa moitié supérieure, si on le prolonge, ne passe pas entre les pieds.
Or, pour laisser libre son thorax, et a fortiori son larynx, un chanteur a besoin d'aller chercher ses appuis le plus bas possible. Si des muscles de son corps doivent être tendus, que ceux-ci se trouvent en tout cas en-dessous de sa taille.
Une respiration profonde et détendue doit également pouvoir aller s'installer toute seule le plus bas possible. Pour cela, tout le corps doit être ouvert et d'une seule pièce !
Enfin, s'il est bien "ancré dans le sol", le chanteur pourra utiliser une certaine "force d'inertie" pour conserver son souffle bas et rester ouvert sans effort musculaire localisé, sans tension donc sans fatigue, et en ayant la possibilité de développer la plénitude de sa voix.

L'utilité de la décambrure étant acquise, il reste à savoir comment la réaliser, si cela ne nous est pas spontané.
Le but recherché étant l'ouverture et la détente corporelles, il serait mal venu de se décambrer volontairement par le moyen d'un effort musculaire compensatoire. La tension musculaire ainsi induite rend le remède pire que le mal. Mieux vaut accepter sa cambrure dans la souplesse que la corriger dans la raideur.
La décambrure ne doit être recherchée que dans le respect de la verticalité du corps et de l'ouverture de la cage thoracique, sans tension compensatrice dans les épaules ou la nuque.
Si la décambrure doit permettre une respiration libre et profonde, c'est aussi l'installation d'une telle respiration qui va nous débarasser de notre cambrure excessive.
Le degré réel de cambrure de la colonne vertébrale n'est guère important. L'important est de sentir son corps unifié et connecté au sol. Un bon test est de se tenir debout au milieu d'une pièce, en respirant normalement, et de se demander si on pourrait confortablement rester ainsi plusieurs dizaines de minutes, sans ressentir de gêne qui nous pousse à changer de jambe d'appui, à nous déhancher ou à modifier notre cambrure dans un sens puis dans l'autre...

Il est important de noter à quels moments nous nous sentons vraiment bien dans notre corps : après avoir bien dormi, après avoir bien fait l'amour, après une séance de piscine, un bain chaud...
Si la détente de notre corps nous satisfait pleinement à ces moments-là, si nous nous sentons puissants et prêts à monter sur scène pour chanter, il est inutile de s'obliger à des exercices barbares qui prétendraient nous faire acquérir quelque chose que nous possédons en fait déjà. Il importe simplement de savoir se mettre dans cet état favorable à chaque fois que nous devons chanter.

Les exercices réunis sous ce thème ne prétendent nullement se subsituer à un bon état physique et psychique général.
Ils visent simplement à établir certains réflexes de connexion du corps, qui vont être nécessaires au soutien de la voix.
Ils sont naturellement coordonnés avec la respiration.