Écoutes de Spectacles

Hercules

Archevêché • F • 15/07/2004
Orchestre et choeur Les Arts Florissants
Chef de choeur : François Bazola
William Christie (dm)
Luc Bondy (ms)
Richard Peduzzi (d)
Rudy Sabounghi (c)
Dominique Bruguière (l)
Hercules  :  William Shimell
Dejanira  :  Joyce DiDonato
Hyllus  :  Toby Spence
Iole  :  Camilla Tilling
Lichas  :  Malena Ernman
Priest of Jupither  :  Simon Kirkbride

Voici un spectacle réussi de bout en bout, qui convient en outre très bien à l'atmosphère d'Aix. William Christie et les Arts Florissants sont en forme, Haendel semble décidément mieux leur convenir que la tragédie lyrique française. Luc Bondy nous offre une excellente direction d'acteurs, mise à nu dans les décors minimalistes de Richard Peduzzi et les costumes quotidiens de Rudy Sabounghi. Le plateau vocal est enfin excellent !

Le rideau est un voile de soie bleue. Quand il tombe apparaissent quelques morceaux de statue, deux ou trois chaises et un vieux fût, qui vont constituer, déplacés de ci de là, les uniques éléments de décor de la soirée. C'est dire que tout le spectacle reposera sur le jeu et le chant ! Les lumières de Dominique Bruguière sont également magnifiques, et la composition des tableaux humains, l'équilibre des volumes et les perspectives sont essentielles à la réussite de cette production.
Ce n'est qu'à la fin que la statue réapparaîtra brièvement entière et debout. Hercule lui-même en est bien sûr le sujet.

Le choeur est un protagoniste important. Habillé lui aussi de vêtements modernes quelconques et colorés, il reste souvent sur scène après ses interventions et observe la suite des événements, auxquels il réagit avec une bonne combinaison d'individualité et d'ensemble. Les parties chorales sont très intéressantes, ce qui renforce encore l'impression, donnée par la langue anglaise, que l'on assiste à un oratorio plutôt qu'à un opera seria. Un magnifique choeur sur la jalousie au deuxième acte et un autre de déploration au troisième ont une belle valeur intrinsèque.

Joyce DiDonato et Malena Ernman sont toutes deux excellentes tout en ayant des couleurs vocales suffisamment différenciées.
Camilla Tilling, qui arrive en robe noirâtre sous un imperméable kaki, chante très bien. Heureusement, car Haendel lui offre toute une palette d'airs traduisant successivement les principaux affects.
L'Hercule de William Shimell est très bien sonnant.

Toby Spence est encore en progrès. Sa voix est de plus en plus corsée et solide. Luc Bondy le fait souvent rester sur scène à épier Iole et Hercule, ce qui lui permet de manifester sa grande expressivité et ses talents d'acteur. Luc Bondy rend aussi Hercule beaucoup plus entreprenant auprès de Iole que ne le dit le texte. De manière générale, il s'attache à amplifier et donner à voir toutes les interactions entre les personnages, sans doute pour éviter l'aspect "chapelet de saucisses" que peut prendre la succession d'airs d'un opera seria.

L'oeuvre est truffée de beaux airs, comme au premier acte "My father" de Déjanire, au deuxième les deux airs de Iole "Banish love from thy breast" léger et vocalisant puis "Ah ! Think what ills" plus dramatique et enfin le bel air de Déjanire "Cease, sovereign", dont le récit est accompagné de manière très expressive et dissonnante. Cette fin de second acte met en valeur Déjanire, mais Iole échange aussi de belles répliques en duo avec elle.
Le troisième acte est ouvert par une superbe partie de violon solo de Patrick Cohën-Akenine. Cet acte s'impose avec une force dramatique jusque là absente, surtout du premier. Joyce DiDonato y chante et joue très bien une belle scène de folie.

Un spectacle que l'on aura plaisir à retrouver à Paris au Palais Garnier en décembre 2004 [lire la critique] et qui visitera aussi Vienne, New-York et Londres.