Écoutes de Spectacles

Idomeneo

 • Freiburg • 28/12/2006
Sébastien Rouland (dm)
Ludger Engels (ms)
Andri Hardmeier, Kai Wessler (dr)
Christin Vahl (d)
Gabriele Rupprecht (c)
Teresa Rotemberg (chg)
Bernhard Oesterle (l)
Idomeneo  :  Bernard Richter
Idamante  :  Yaroslava Vikhrova
Ilia  :  Nicole Chevalier
Elettra  :  Jana Havranová
Arbace  :  Roberto Gionfriddo

On reste perplexe quant à la justification et à la signification du décor et des costumes modernes de cette production. Quand cette dernière commence vraiment à fonctionner, vers la fin du deuxième acte, c'est plus malgré que grâce à son aspect visuel. Celui-ci parvient juste à se faire oublier, à ne plus déranger face à l'intensité de l'oeuvre.

Cette intensité dramatique semble être enfin au goût du metteur en scène, qui n'a plus besoin de "meubler" ou d'en rajouter. Le problème se pose certes pour tout opera seria : que faire faire à un chanteur en principe seul en scène pendant un long aria da capo? On est reconnaissant à Ludger Engels de ne pas avoir choisi la solution de faire rester sur scène tous les personnages censés être absents afin qu'ils puissent réagir et interagir. Mais il ne serait pas indispensable non plus de faire s'agiter le chanteur en tous sens et de lui faire manipuler tellement d'objets inutiles.
Il est aussi très discutable d'ajouter à la partition des exclamations "réalistes" à la manière d'une série télévisée, dès lors que l'expression des affects par Mozart semble trop fade ou pas assez immédiate. Ou bien de faire mimer aux personnages leurs émotions de manière visible et physique, en un exercice très "actors' studio", quand l'expression seria de ces sentiments semble trop subtile.

Le décor, qui est un fourre-tout de fauteuils et de caisses métalliques, est remis en ordre lors du retour d'Idoménée. C'est là sa seule manifestation de sens. Celui des (dés-)habillements d'Électre, on le cherche encore ! Elle arbore un moment des lambeaux de tissu uni particulièrement laids.

Ilia la joue longtemps "rebelle", Idamante "gentil garçon", Elettra passionnée. Les chanteurs sont à nouveau jeunes, surtout le très prometteur Bernard Richter, qui se sort très bien du redoutable "Fuor del mar".
Nicole Chevalier et Jana Havranová sont d'excellentes comédiennes et mozartiennes dotées de techniques solides. On admire dès son premier air les aigus brillants et les graves bien émis de Jana Havranová, qui brille encore dans son dernier air de folie. Au troisième acte, Nicole Chevalier offre un superbe "Zeffiretti".
Yaroslava Vikhrova a par contre une émission en "heller Knödel" et trop dirigée vers le nez, qui lui donne un timbre peu agréable et manquant de rondeur.

Sous la baguette de Sébastien Rouland, l'orchestre est plus souple, plus vif et plus idiomatique que trois jours auparavant dans Don Carlo, sans atteindre encore des sommets de virtuosité, d'ensemble et de style. Après un temps d'adaptation, il est plus engagé. Dans toute la seconde moitié de l'ouvrage, on ne se pose plus aucune question de détail, tant la réalisation "avance" et "fonctionne".
Dans la scène avec choeur où Électre se réjouit de son départ, Jana Havranová a suffisamment de présence pour donner sens aux demandes du metteur en scène. Le trio qui suit entre Elettra, Idamante et Idomeneo ne manque pas non plus d'impact dramatique, comme toute la fin de l'acte et le suivant. Le quatuor du troisième acte est notamment excellent.
Le choeur est plus impliqué scéniquement que dans Don Carlo. à la fin, c'est lui qui chante la voix céleste qui sauve Idamante du sacrifice !