Écoutes de Spectacles

Germania

 • Berlin • 05/01/2007
Orchestre et Choeur du Deutsche Oper
Chef de choeur : Ulrich Paetzholdt
Attilio Tomasello (dm)
Kirsten Harms (ms)
Andreas K. W. Meyer (dr)
Bernd Damovsky (d)
Gabriele Jaenecke (c)
Giovanni Filippo Palm  :  Guillaume Antoine
Federico Loewe  :  Gustavo Porta
Carlo Worms  :  Bruno Caproni
Crisogno  :  Markus Brück
Ricke  :  Manuela Uhl
Jane  :  Sarah van der Kemp
Lene Armuth  :  Ceri Williams
Jebbel  :  Andion Fernandez
Il Pastore protestante Stapps  :  Arutjun Kotchinian
Luigi Adolfo Guglielmo Lützow  :  Harold Wilson
Carlo Teodoro Körner  :  Jörg Schörner
Il Capo della polizia tedesca  :  Hyung-Wook Lee
Una donna  :  Nicole Piccolomini

Luigi Illica, le librettiste entre autres de Puccini, a réussi à caser dans Germania non seulement la patrie, l'amitié, l'amour mais aussi la mamma ! Le riche fils de banquiers Franchetti, né en Italie, formé en Allemagne et installé à Baden-Baden en a fait un "grand opéra" un peu indigeste. Moins brutalement vériste que ses contemporains italiens, il compose une musique agréable, souvent illustrative, qui coule facilement sans saillie particulière ni grand génie mélodique. L'oeuvre souffre de quelques longueurs, comme pendant le duo d'amour entre les jeunes mariés.
L'orchestration est lourde. Il est sans doute difficile de diriger cette oeuvre plus légèrement que ne le fait Attilio Tomasello sans la dénaturer. Le plateau vocal réuni est heureusement solide et sa couleur vocale italienne est idiomatique.

Le baryton irlandais d'origine italienne Bruno Caproni est excellent quoique moins royal que dans le rôle de Miller deux jours plus tard. Il surtimbre son médium avec un larynx bas et beaucoup de métal, et pousse en contrepartie un rien des aigus un peu bouchés.
Manuela Uhl a un chant engagé et intense, le plus vériste de la distribution avec ses exclamations, sa forte sollicitation de la voix de poitrine et ses aigus un peu criés. Est-ce sain à long terme?
Le ténor argentin Gustavo Porta a une émission bien italienne et solide. Son émission rappelle Corelli, ce qui n'est pas mal, mais signifie aussi qu'elle n'est pas totalement libre, en raison d'un engagement conscient ou excessif de sa langue ou de son voile du palais, peut-être provoqué par un agrandissement volontaire et donc un peu raide de sa cavité bucco-pharyngée.
Sarah van der Kemp a une émission un peu pointue et serrée qui convient cependant à son rôle.
Arutjun Kotchinian grossit sa voix, alors qu'il sera formidable deux jours plus tard en Wurm de Luisa Miller.

La mise en scène est très classique, avec un jeu d'acteurs sans surprise, dans un décor entre réalisme et symbolisme : une page imprimée (donnant le contexte historique de l'oeuvre !) sert de fond à la première scène puis les livres jonchent le sol de la bataille. En cela, la production sert bien le livret, où Illica met comme souvent un point d'honneur à situer une intrigue amoureuse privée dans un environnement historique et humain particulier. Dans la même veine où Illica adaptait le cliché de la "bohème" parisienne de Murger*, on a ainsi droit au cliché de l'étudiant allemand : tavernes, confréries, exaltation romantique, patriotisme, poésie et philosophie... Comme dans Tosca, un opposant est caché dans une cave. L'oppresseur a ici nom Napoléon ! Les personnages sont vaguement odieux, comme c'est souvent le cas dans les pièces mélodramatiques.
Au premier acte, un arbre à l'envers descend des cintres. L'arbre et le fond deviendront ensuite gris, en un bel effet visuel. Ce premier acte est ainsi transporté en plein air ! Au deuxième acte, un plafond bas coupe le cadre de scène et "écrase" les étudiants réunis en-dessous, tandis que la reine Marie-Louise apparaît au-dessus. Ce plafond descend pour former le sol de ruines désolé de l'interlude symphonique (très moyen) et de l'épilogue : livres épars, statues brisées, fumée. C'est efficace.

La salle n'est malheureusement pas comble pour cette oeuvre pourtant originale et intéressante, qui n'avait pas été monté en Allemagne depuis sa création en 1908 ! La placidité du public est étonnante : il n'applaudit pas entre le prologue et l'acte I ni entre l'acte II et l'épilogue.

Alain Zürcher

* Finement moqué par Robert-Louis Stevenson dans The Wrecker, sans doute son meilleur roman, dont le texte est disponible en ligne et a été traduit en français chez Phébus sous le titre Le trafiquant d'épaves.


La salle

Le Deutsche Oper est un opéra Bastille en plus petit, avec une acoustique bien plus agréable. Deux balcons surplombent le parterre bien incliné et se prolongent des côtés le long des parois. Ces balcons sont plaqués de plastique imitant le bois et les fauteuils sont couleur caca d'oie.