Écoutes de Spectacles

I masnadieri

 • Zurich • 22/12/2010
Orchestre et choeur de l'Opéra de Zurich
Chef de choeur : Jürg Hämmerli
Adam Fischer (dm)
Guy Joosten (ms)
Johannes Leiacker (dc)
Elfried Roller et Manfred Voss (l)
Amalia  :  Isabel Rey
Massimiliano  :  Carlo Colombara
Carlo  :  Fabio Sartori
Francesco  :  Thomas Hampson
Arminio  :  Benjamin Bernheim
Moser  :  Pavel Daniluk
Rolla  :  Miroslav Christoff

L'opéra de Zurich présente une production élégante et efficace de l'oeuvre de Verdi I Masnadieri. Pourquoi cet opéra est-il si peu joué? La musique est en pourtant 100% verdienne, entraînante et touchante. Le livret provient de Schiller comme Don Carlos mis en musique vingt ans plus tard, il est donc romantiquement tragique à souhait. Andrea Maffei a tellement concentré le drame de Schiller Die Raüber (Les Brigands) que son livret est parfois comique à force de raccourcis saisissants, mais pas plus ridicule qu'un autre livret d'opéra verdien. Cette oeuvre séduit dès son ouverture, non pas pot-pourri pompier mais véritable concerto pour violoncelle - ce même violoncelle dont Verdi se souviendra pour accompagner Philippe II dans Don Carlos.

I Masnadieri est ce soir défendu par de superbes interprètes masculins. Thomas Hampson est en grande forme vocale. Son incarnation du mal absolu est pleine de petites trouvailles traduisant la vanité de manière parfaitement odieuse. Il trouve là un personnage à sa mesure qu'il réussit à approfondir et varier. Carlo Colombara est une basse somptueuse de bout en bout, Fabio Sartori un splendide ténor verdien. Pas totalement "propre" et manquant parfois de nuances dans son air très germanique sur la nature, son émission est par contre aussi engagée et lyrique qu'on peut le souhaiter pour ce répertoire. à la fin de l'oeuvre, le duo entre Carlo et Massimiliano est superbe, et du meilleur Verdi !

Benjamin Bernheim est en Arminio un très prometteur jeune ténor. Son excellent placement vocal lui permet de chanter sans effort. Son jeu traduit de manière subtile et convaincante l'ambiguité de son personnage. Enfin, Pavel Daniluk chante d'une belle voix de basse son court rôle de Moser, sorte de Commandeur de Don Giovanni ou de Charles V de Don Carlos.

Adam Fischer insuffle un souffle très verdien à l'orchestre de la Tonhalle. Par rapport à Don Giovanni, la fosse a retrouvé sa profondeur et quelques musiciens se retrouvent sous la scène. Il en résulte plus de rondeur et un meilleur équilibre avec le plateau. Le choeur des brigands est également excellent.

Le décor est très efficace aux deux premiers actes. Le procédé du plateau tournant fonctionne toujours bien. Il est ici parfaitement adaptée à la dualité des univers fréquentés par Carlo : père noble et chaste fiancée ou brigands.
Le changement de décor à l'entracte est l'objet de ma seule réserve sur ce spectacle : pourquoi faire se dérouler les derniers actes en intérieur, dans les ruines calcinées du château, alors que celui-ci n'a pas brülé (ou alors symboliquement !) et que les lieux de l'action sont plus souvent extérieurs?

Isabelle Rey convainc progressivement. Un peu serrée et pas toujours juste au début, manquant d'aplomb dans sa première cabalette, elle sonne plus libre après l'entracte. Après les notes bizarrement graves de son duo avec Carlo, sa seconde cabalette est plus réussie.

À voir jusqu'au 2 janvier à l'Opéra de Zurich.