Marin-Degor, Bou, Duchâble R
Opéra Comique • Paris • 26/03/2015
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Sophie Marin-Degor, Jean-Sébastien Bou et François-René Duchâble offrent à l'Opéra-Comique un programme passionnant et remarquablement composé, où les mélodies conduisent naturellement aux airs et duos d'opérette. On y retrouve le compositeur méconnu Charles Bordes, élève de César Franck et fondateur de la Schola Cantorum, redécouvert par Michel Daudin, fondateur des Nuits Romantiques du Lac du Bourget et plus récemment des Journées Charles Bordes. Les trois interprètes de ce soir ont ainsi pu enregistrer l'intégrale des mélodies de Charles Bordes sur des poèmes de Verlaine.
Les deux chanteurs sont des habitués de l'Opéra-Comique, que l'on a déjà pu entendre réunis ici en 2009 dans Le Roi malgré lui. La saison passée, SophIe Marin-Degor fut une tonique Morgiane dans Ali Baba de Lecocq. Dès 2002, on y avait découvert Jean-Sébastien Bou dans le Pelléas du centenaire de sa création. Depuis, il a excellé en Clavaroche de Fortunio en 2009 ou en Mârouf en 2013.
Vocalement, Sophie Marin-Degor débute avec une émission un peu large et en pression dans Bizet puis une respiration haute et un souffle trop appuyé dans Élégie de Massenet. Elle trouve ensuite une respiration plus basse et une émission plus haute qu'elle ne quittera plus. Chez Jean-Sébastien Bou, on est toujours, comme en 2002 dans Pelléas, à la fois séduit et étonné par cette émission directe fondée sur la voix parlée. Quand d'autres pèchent par excès de lyrisme, de nasalité ou de couverture du son, lui se situe résolument à l'opposé. Son émission est très tonique et sonore sur les forte, émis avec une pression certaine mais sur une base plus riche en harmoniques que ses piano, que ce soit dans les rôles d'opérette ou dans une mélodie comme Sur la mer, où l'on retrouve l'émission timbrée et directe de Pelléas. Ses nuances piano et ses graves semblent par contre dépourvus de formant du chanteur et sonnent donc sourds, avec une portée limitée. Alors que tout semble idéalement l'unir à sa partenaire, il en résulte un déséquilibre problématique entre leurs deux voix. Mieux accordées quand tous deux sont en mode "lyrique", comme dans la barcarolle du Roi malgré lui, ils ne le sont pas dans les mélodies en duo qui exigent de la douceur et du grave, comme Rêvons ou Sur la mer.
Par leur choix de programme, leur interprétation et leur présence scénique, Sophie Marin-Degor et Jean-Sébastien Bou démontrent une stupéfiante intelligence musicale et théâtrale.
De Charles Bordes, ils nous font entendre deux belles mélodies enchaînées l'une à l'autre, Soleil couchant et Promenade matinale, puis une Bonne chanson qui n'a rien à envier à celle de Fauré. On découvre aussi Jean-Sébastien Bou dans deux rôles qui lui vont très bien, Monsieur Beaucaire et le pourtant plus grave Pausanias d'Une éducation manquée. Malvina déploie enfin les belles lignes typiques de Reynaldo Hahn, bien phrasé par nos deux interprètes toujours sensibles et justes, qui savent adhérer complètement à chaque rôle et chaque style.
Alain Zürcher