Re: Question naive et generale sur l'ouverture de la machoire
DE | : | Alain Zürcher |
LE | : | 23/10/2007 à 20:53 GMT |
Benoît Moreau a écrit :
« Comment décririez-vous tous les facteurs qui contribuent à modifier
l'ouverture de la mâchoire ?
Comment ces facteurs peuvent-ils intervenir ensemble ?
Sous-question : donneriez-vous comme bonne pratique qu'il y ait un lien
entre le volume sonore et l'ouverture de la mâchoire ? Ce lien est-il
semblable à toutes les hauteurs de note ? pour toutes les voyelles ?) »
Question(s) intéressante(s) !
Déjà je note que vous parlez de l'ouverture de la mâchoire et non de la
bouche. On pourrait aussi évoquer des cas où la cavité buccale serait très
ouverte tandis que les lèvres réduirait cette ouverture juste à la sortie
(ou l'inverse, plus difficile !). Mais vous avez raison, le critère
intéressant est celui de l'ouverture de la mâchoire? Celui des lèvres
modifie sans doute le timbre, ce qui ne serait pas le cas de l'ouverture de
la mâchoire...
Les trois facteurs d'ouverture de la mâchoire sont à mon sens :
- effectivement l'intensité,
- l'aperture de la voyelle,
- la hauteur de la note chantée.
Ces trois facteurs agissent dans le sens de l'ouverture de la mâchoire :
- son + fort = mâchoire + ouverte,
- voyelle + ouverte = mâchoire + ouverte,
- note + aiguë = mâchoire + ouverte.
Comme nous avons 3 facteurs, la situation est complexe ! Sont-ils tous
linéaires et se combinent-ils de manière linéaire? Ce serait trop simple !
En termes d'influence d'un paramètre sur les autres, voici ce que je note :
- Influence de l'intensité :
Plus l'intensité est forte :
- plus l'ouverture de la mâchoire varie en fonction de l'aperture des
voyelles;
- plus l'ouverture de la mâchoire varie en fonction de la hauteur.
(À l'inverse, pour produire un son doux, la mâchoire sera moins ouverte
même sur des voyelles ouvertes et des sons aigus - à condition de parler
d'un piano "soutenu", qui porte loin, et non d'un piano détimbré justement
par l'ouverture de la mâchoire, la perte de définition de la voyelle et le
mélange de souffle.)
- Influence de la voyelle :
Plus la voyelle est ouverte, plus on modifie l'ouverture de la mâchoire en
fonction de la hauteur et de l'intensité.
(À l'inverse, un [u] même très haut ou très fort ne sera jamais émis avec
une mâchoire très ouverte. Mais un [u] ne pourra pas non plus être aussi
fort qu'un [a]. Le fait même de ne pouvoir ouvrir davantage la mâchoire tout
en conservant la définition vocalique d'un [u] interdit à cette voyelle les
plus fortes intensités comme les hauteurs les plus élevées.)
- Influence de la hauteur :
Plus la hauteur est élevée :
- plus l'ouverture de la mâchoire varie en fonction de l'aperture des
voyelles
(à l'inverse, pour produire un son grave, la mâchoire sera moins ouverte
même sur des voyelles ouvertes et des sons forts);
- plus on peut modifier l'ouverture de la mâchoire pour faire varier
l'intensité
(à l'inverse, dans le grave, si on ouvre davantage la mâchoire, on perd
souvent en efficacité acoustique et en définition vocalique : l'intensité ne
croît alors pas... et on dispose donc d'une palette d'intensités plus
réduite que dans l'aigu).
(Mais ici peut intervenir une querelle d'école sur la production du grave
en réouvrant ou non la mâchoire.)
Il faudrait ajouter :
- dans la discussion de la hauteur, la notion de passages, qui peuvent être
associés à une moindre ouverture de la mâchoire.
Le travail de l'ouverture de la mâchoire me semble très important pour la
souplesse de la voix et son efficacité acoustique. Il est plus facile à
travailler en variant la hauteur ou la voyelle qu'en variant l'intensité. Ce
dernier cas correspond à la "messa di voce". L'augmentation puis la
diminution de l'intensité sonore est plus facilement travaillée d'abord sur
des hauteurs croissantes puis décroissantes, ainsi que sur des voyelles de
plus en plus puis de moins en moins ouvertes.
Et si un de nos lecteurs doit trouver un sujet de thèse, pourquoi pas
l'étude de la correspondance entre l'augmentation de l'intensité et
l'augmentation de la hauteur suscitée par une même augmentation de
l'ouverture de la mâchoire? Par exemple, le différentiel d'ouverture qui
permet de gagner 3dB correspondrait, pour un individu donné chantant une
voyelle donnée, à celui qui permet de gagner une tierce...
Traduit en exercices simples, on peut pratiquer alternativement, sur
différentes voyelles :
- 1 3 5 3 1 sur p (moindre mouvement de la mâchoire), mf et f (plus grande
amplitude de l'ouverture de la mâchoire)
- p mf f mf p sur 1 (moindre mouvement de la mâchoire), 3 et 5 (plus grande
amplitude de l'ouverture de la mâchoire)
On peut aussi alterner :
- 1 3 5 3 1, le tout sur [a] mf
- p mf f mf p, le tout sur [a] et 1
- i e a e i, le tout sur mf et 1
Et pourquoi pas étudier si une ouverture plus constante de la mâchoire est
suscitée, sur la voyelle [a], par :
- 1 3 5 3 1 chanté f mf p mf p
- 5 3 1 3 5 chanté p mf f mf p
... ou toute autre modification simultanée mais en sens contraire de deux
des trois facteurs d'ouverture de la mâchoire exposés au début de ce
message... sans parler de la modification des 3 facteurs à la fois, mais là
il faudrait au moins écrire sur une portée pour s'y retrouver ! :-)
| Alain Zürcher
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