Dans l'intéressante programmation de l'Opéra-Comique, ce concert poursuit l'exploration de l'univers de l'opéra-comique amorcée par Zampa. Si le public n'a pas déferlé comme pour les productions scéniques de la saison, journalistes et invités se pressaient pour découvrir des airs rares. Le programme offert a partiellement comblé cette attente en dévoilant deux airs d'Amadis de Gaule de Jean-Chrétien Bach et un air des Bayadères de Charles-Simon Catel. Les autres découvertes, d'un intérêt inégal, furent orchestrales.
La soirée a maladroitement commencé par le pathétique déchiffrage de l'ouverture d'Azémia ou les Sauvages de Dalayrac par les vents, opportunément secourus par l'arrivée de nappes de violons. Il faudrait un bon nombre de sauvages effrayants et pittoresques pour donner de l'intérêt à ce breuvage musical, à côté duquel Gossec et Hérold sont des génies.
Dans les extraits de Sabinus, les vents sont heureusement moins à découvert. Quant à la Deuxième Symphonie d'Hérold, elle est plaisante comme un Rossini de vieillesse. Le Cercle de l'Harmonie y trouve plus de tonus et d'unité. Son deuxième mouvement est construit avec un grand sens dramatique, combinant le pot-pourri de thèmes révolutionnaires le plus stupide avec la douceur à contre-emploi la plus ironiquement suave. Le troisième mouvement poursuit le procédé en faisant interrompre une niaise musette pastorale par des trépidances peut-être déjà citadines !
Cette musique est périlleuse pour les interprètes : elle est si simple qu'on croit pouvoir la diriger, voire la chanter soi-même. Elle laisse aussi souvent la voix ou les instruments à découvert, exposant sans voile leurs faiblesses éventuelles. On pouvait par contre attendre que l'intensité dramatique de ces airs exalte les moyens vocaux de Mireille Delunsch, mais il n'en a rien été. Elle s'est au contraire progressivement affaissée au cours de la soirée, physiquement comme vocalement, jusqu'à rencontrer des problèmes de souffle voire de justesse. Si un style de midinette pouvait à la rigueur convenir à Ann Trulove incarnée par Dawn Upshaw au Châtelet en 1996, il convient moins aux héroïnes annoncées par le titre du concert.
Dans Iphigénie en Tauride, Mireille Delunsch tire correctement parti de ses moyens. Son récit d'Orphée et Eurydice est un peu saucissonné à coup de surarticulations et de glissades. Soutenue par la belle souplesse de phrasé de l'orchestre, elle s'engage mieux dans l'air. Si quelques sons tubés l'aident manifestement à concentrer son émission, la nasalisation de certaines notes semble par contre inutile et fâcheuse. Dans Amadis de Gaule, ces mêmes sons un peu hululés nous font imaginer le potentiel de cet air chanté par une voix plus ample. Dans Médée, on aimerait lui entendre chanter un vrai "eu" fermé et une phrase soutenue jusqu'à son terme et non tremblant en finale sur "horreur" ou avec une respiration intercalée dans "adore". Le schéma corporel vocal de Mireille Delunsch ne semble pas inclure la traditionnelle "colonne d'air" stable qui alimenterait et porterait la voix.
L'air de la Vestale de Spontini est ensuite sublimement massacré par les cors, la suraccentuation de l'orchestre et enfin la voix. Cherchant peut-être à ancrer cet air dans le grave et à le colorer dramatiquement, voire à le "callassiser", Mireille Delunsch se laisse prendre au piège et s'enlise, tandis que l'orchestre reprend pied peu à peu et trouve de belles couleurs. Dans le bel air de Catel donné en bis, Mireille Delunsch réussit quelques phrases bien conduites, malgré des aigus tendus.
À écouter mardi 8 avril 2008 à 10h sur France-Musique.
Alain Zürcher