Cantates de Bach C
Salle Pleyel • Paris • 21/10/2008
Erwin Ortner (dm)
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Hélas souffrant, Nikolaus Harnoncourt n'a pas pu venir à Paris diriger ce concert. Il l'avait dirigé à Vienne et Salzbourg au cours des jours précédents, et a pu être remplacé par Erwin Ortner, chef de choeur et directeur artistique de l'Arnold Schoenberg Chor. Cette soirée a donc été l'occasion d'étudier en quoi l'absence d'un chef en dernière minute peut influer sur une prestation ! Sans avoir entendu le même programme dirigé par Harnoncourt, on ne peut risquer que quelques remarques : qu'Erwin Ortner est bien sûr plus habitué à diriger son choeur que l'orchestre, mais que ce dernier part très bien tout seul quand lui est occupé à suivre une phrase finissante du choeur. Qu'aucune impression d'intelligence structurelle n'émane de ce concert et qu'on n'en ressort pas les idées plus claires et plus fraîches, comme c'était le cas en 2007 pour la Betulia liberata. Que l'ensemble des interprètes est plus engagé après l'entracte, pour la cantate 30.
Le choeur d'entrée de cette dernière est magnifique d'équilibre et de tonus. Cette cantate de grandes dimensions permet d'entendre plusieurs "décalques" d'airs de la Passion selon Saint-Jean : le récit de basse "So bist du denn" calque "Betrachte, meine Seele", tandis que le "Eilt" de la soprano calque le "Eilt" de la basse dans Saint-Jean.
Dans la première cantate (BWV38), les hautbois sont hélas à la peine pour accompagner le superbe air de ténor "Ich höre mitten in den Leiden". Le trio aurait ensuite gagné à être davantage relancé par le chef. Dès avant l'entracte, la cantate 70 offre déjà davantage de cohérence.
Les quatre chanteurs sont assez bien assortis. Barbara Bonney paraît hélas très fatiguée. Elle accentue trop en "soufflets" son récit de la cantate 38, où sa voix sonne un peu tirée. Dans la cantate 30, sa voix présente une combinaison étrange de stridences et de "scooping" : bien des notes sont prises par en-dessous, dans une émission trop large et manquant d'agilité, mais avec un timbre pourtant trop acide. Elisabeth Von Magnus n'a elle jamais trop élargi sa voix. Elle la colore avec des contrastes peut-être exagérés dans le récit très figuratif de la cantate 38, puis trouve plus d'homogénéité pour la suite. Dans son air de la cantate 30, sa voix agréablement claire peine cependant un peu à "nourrir" les notes tenues. Dans l'introduction de cet air, on est heureux d'entendre enfin des couleurs différentes à l'orchestre - pastorales pour illustrer la métaphore de la brebis égarée !
Werner Güra est royal de bout en bout. Son récit de la cantate 38 est superbe de timbre comme de phrasé. On serait comblé par l'interprétation très classique de ces cantates, si ce classicisme était toujours de cette tenue ! Comme celle d'Elisabeth Von Magnus, la voix claire de Timothy Sharp offre une lecture possible de sa partie vocale, musicalement juste et vocalement propre, sinon excitante.
On ne ressort pas de ce concert totalement rassasié. Le décor et l'acoustique de la salle Pleyel accroissent sans doute la distance ressentie entre la musique et le public : décor étrangement moderne et acoustique un peu sèche pour ce programme.
Alain Zürcher