Amadis
Opéra • Massy • 05/02/2010
Orchestre des Musiques Anciennes et à Venir (dir. Dominique Serve)
Choeur des Chantres du Centre de Musique Baroque de Versailles Ballet de l'Opéra-Théâtre d'Avignon et des Pays de Vaucluse Coproduction avec le CMBV et l'Opéra-Théâtre d'Avignon et des Pays de Vaucluse Olivier Schneebeli (dm) Olivier Bénézech (ms) Françoise Denieau (chg) Gilles Papain, Olivier Bénézech, Marie Jumelin (sc) Frédéric Olivier (c) Philippe Grosperrin (l) |
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à l'heure où le Théâtre de Poissy va mettre fin à des années de programmation baroque du plus haut niveau, on peut se déplacer à Massy pour y voir monter Amadis de Lully pour la première fois en France depuis 1771 ! Fruit d'une remarquable coproduction avec le Centre de Musique Baroque de Versailles et l'Opéra-Théâtre d'Avignon, ce spectacle fait appel aux meilleurs spécialistes du genre. Olivier Schneebeli n'y dirige pas seulement ses chantres du Centre de Musique Baroque de Versailles mais aussi un excellent orchestre de jeunes diplômés d'Aix-en-Provence (et d'ailleurs !), l'Orchestre des Musiques Anciennes et à Venir fondé par Dominique Serve. Tant par la qualité de l'orchestration que par celle de l'interprétation, cette équipe n'a rien à envier aux plus grands ensembles baroques. La variété des percussions et la richesse du continuo séduisent particulièrement.
Côté scénique, on s'attendait au pire en lisant dans le dossier de presse qu'Olivier Bénézech souhaitait s'inspirer de la bande dessinée, mais heureusement l'esthétique "space opera" n'a nullement étouffé une réelle sensibilité à l'univers chevaleresque et baroque. L'approche scénique rappelle par son léger décalage celle de Caurier et Leiser pour Armide aux Champs-Élysées en 1992.
Issu d'un roman fleuve espagnol (mais de sources et d'auteurs divers) de la fin du 15ème siècle, traduit en français en 1540, Amadis de Gaule fournit à Lully son premier sujet non mythologique. Il est à vrai dire moins abouti qu'Armide, et les vers mêmes de Quinault ne font pas toujours frissonner de plaisir pour leur qualité littéraire. La tension dramatique n'est pas absente, les amants fidèles étant dûment opprimés par de purs Haineux et surtout victimes d'un double et réciproque malentendu, mais l'histoire est tout de même cousue de fil blanc. On y note un goût étrange pour la symétrie et les couples, qui la rend limpide mais un peu plate : il y a un couple de méchants magiciens et un couple de gentils magiciens, un couple d'amants fidèles sans problèmes et un couple d'amants fidèles mais séparés de toutes les manières imaginables.
Vocalement, cette production réunit les meilleurs des jeunes chanteurs actuels de ce répertoire. Quelques émissions sont au départ un peu forcées et les voix du choeur sont étonnamment peu fondues, mais tout cela rentre dans l'ordre dès avant l'entracte. La diction française, pour n'être pas ancienne, est tout-à-fait compréhensible. Heureusement, car les surtitres font le choix discutable de simplifier la syntaxe du livret en résumant certains vers, en traduisant certains termes en français de tous les jours et en remettant toujours sujet verbe et complément dans un ordre plus platement moderne.
Hjördis Thébault surprend un peu. Jadis légère et idiomatiquement baroque, elle semble en voie d'élargissement rapide, parfois au prix de la souplesse et de l'élégance. Cyril Auvity et Katia Velletaz ont des émissions solides. Edwin Crossley-Mercer aussi, qui affiche une belle autorité vocale et scénique. Alain Buet joue le vilain d'opérette, y compris dans son timbre, ce qui est une caractérisation possible de son personnage. Isabelle Druet est d'une pâte plus subtile, avec un "noyau" vocal fin mais dense à partir duquel sa voix rayonne en multiples couleurs.
La chorégraphie de Françoise Denieau est extrêmement séduisante. Robert Le Nuz et les danseurs du de l'Opéra-Théâtre d'Avignon et des Pays de Vaucluse apportent un tonus bienvenu à des mouvements très justes, bien insérés dans le drame. Les décors créent des espaces peu structurés mais d'un "bon rapport qualité/prix", à base de rectangles et de cubes diversement colorés et illustrés, notamment par l'utilisation discrète de la vidéo. La mise en scène s'y déploie sans tensions géniales mais avec efficacité. Costumes et maquillages sont du goût "heroic fantasy" annoncé, un peu attrape-tout mais eux aussi efficaces. Peut-être même permettent-ils au public scolaire de cette générale de rentrer plus facilement dans l'univers de Quinault et Lully !
À voir à l'Opéra de Massy les 6 et 7 février 2010.
Alain Zürcher