Histoires naturelles R
Théâtre de l'Athénée • Paris • 23/01/2017
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Dans le cadre des Lundis musicaux de l'Athénée, Stéphane Degout et ses partenaires offrent un programme riche et exigeant de mélodies françaises. La palette vocale demandée au chanteur est vaste. Chez Poulenc même, elle va de la déclamation du Bestiaire au lyrisme intense des Calligrammes, passe par la gouaille parisienne des Quatre poèmes et atteint en bis la vélocité syllabique des Fêtes galantes. C'est peut-être l'entre-deux des Banalités qui convient le mieux au chanteur, avec une remarquable Chanson d'Orkenise aux riches couleurs vocales et au beau phrasé.
Chez Ravel aussi, le drame lyrique des Chansons madécasses requiert des talents très différents de la simplicité déclamée, souvent sans 'e' muets et bien sûr sans 'r' roulés, des Histoires naturelles. En bis, l'air de Don Quichotte convient plus spontanément au chanteur d'opéra qu'est aussi Stéphane Degout. Ce qui ne veut pas dire qu'il rate les mélodies plus simples ou intimistes. Ses Histoires naturelles sont très maîtrisées vocalement tout en étant d'une magnifique simplicité, touchante de sincérité. On en est d'ailleurs tellement touché que l'on réalise avoir été frustré jusque là de cette émotion directe, pourtant si nécessaire à l'univers de la mélodie. Dans Calligrammes, on regrettait presque une intensité sonore excessive.
C'est aussi dans les Histoires naturelles que le piano de Cédric Tiberghien sonne le plus idiomatique, comme ensuite en bis dans Don Quichotte. Sans doute cela contribue-t-il à l'aisance du chanteur et à l'impression de naturel dégagée par les deux artistes dans ces pièces.
Le Bestiaire fait office de mise en voix et manque de simplicité. Stéphane Degout y traîne sur chaque consonne initiale, est un peu trop nasal sur ses 'a' et parfois un peu bas en assombrissant ses voyelles. Dès Hôtel, il peut déployer son timbre lyrique, et sa voix s'épanouit alors jusqu'à la fin de la soirée. Même s'il maîtrise un large ambitus de nuances, l'habitude du fort volume sonore exigé à la scène semble conduire ses cordes vocales à ne plus s'accoler que sous une forte pression. Que cela soit dû à une lésion réelle ou non, des signes d'accolement défectueux sont régulièrement audibles ce soir.
En début de deuxième partie et en guise d'introduction aux Chansons madécasses, les instrumentistes nous gratifient de la superbe pièce Cendres de Kaija Saariaho. En dernier bis, Stéphane Degout termine Je tremble en voyant ton visage de Debussy par une dernière phrase merveilleusement tenue.
Ce concert est enregistré par B Records pour l'Athénée Live.
Alain Zürcher