Le temps ne semble pas avoir de prise sur Andreas Scholl, qui a ce soir le même air d'étudiant timide qu'en 2004. Comme alors, son timbre est d'abord nasal dans son premier air, "Occhi mesti", et il ne se détend que progressivement. C'est cependant plus rarement que la suavité de son timbre nous emporte sur les ailes de la musique, dans une rêverie de théâtre napolitain ou de basilique vénitienne. Difficile exercice du récital, où la routine guette toujours. Andreas Scholl et Alessandro Tampieri essaient de la conjurer ce soir en mêlant aux tubes attendus quelques pièces moins connues.
Après l'élégiaque "Occhi mesti", Andreas Scholl reste un peu trop intérieur et contraint dans l'air concitato "Per pietà turba feroce", où il manque de brillant, de panache. En conclusion de cette première partie, le Salve regina d'Anfossi commence avec noblesse et est expressif dans son "Ad te suspiramus", puis se termine en queue de poisson. Tout le programme de la soirée frustre d'ailleurs par la brièveté de ses pièces, qui lui confère un caractère superficiel, voire artificiel. Une émotion a à peine le temps de naître qu'elle disparaît.
Ce n'est bien sûr pas le cas du Stabat mater de Vivaldi qui conclut la soirée. Andreas Scholl y est d'abord d'une justesse fluctuante. Il est enfin plus convaincant dans "Quis est homo", où il s'affirme enfin à la première personne.
Auparavant, après l'entracte, la sinfonia de Maria dolorata de Vinci est une musique si simple qu'il faudrait l'interpréter soit à la perfection, soit avec une expressivité surajoutée et sans doute déplacée. L'Accademia Bizantina ne fait ni l'un ni l'autre. On est ensuite touché, pour la première fois de la soirée, par l'air "Chi mi priega", accompagné par le seul continuo. Andreas Scholl y déploie de belles phrases expressives. Avec le retour des cordes, l'air tendre suivant, "Tutti son del materno mio seno" est également très joli. Enfin, le concerto pour violon RV332 de Vivaldi permet d'entendre Alessandro Tampieri en soliste.
En bis, Andreas Scholl reprend "Tutti son del materno mio seno" avec une émission vocale plus détendue, libérant ainsi des voyelles plus pures.
Alain Zürcher