Titre bancal pour un sujet difficile à traiter. Il s'agit en effet de couvrir à la fois :
Il est difficile de parler de sexe sans rester clinique à l'américaine ni devenir complaisant à l'européenne.
Le tonus sexuel exceptionnel de la plupart des grands chanteurs est un fait si évident que l'érotisation de leur émission vocale n'est jamais abordée du point de vue technique.
L'absence ou la présence initiale de cette érotisation chez un chanteur débutant semble rendre, respectivement, vaine ou inutile toute tentative "éducative" dans un domaine qui dépasse largement le chant.
Il n'en reste pas moins que tout apprenti chanteur s'entend demander de respirer et de soutenir sa voix plus profondément, plus bas... Le professeur compte généralement sur le bon sens ou la libido de son élève pour faire le lien avec d'autres pulsions, d'autres actes. Je ne fais d'ailleurs pas exception à la règle, et c'est pourquoi j'écris cet article !
On peut se demander si toute connexion basse non explicitement sexuelle n'est pas un détournement ou un paravent.
Se décambrer est certes excellent. Détendre la région abdominale, dynamiser la ceinture pelvienne, s'ancrer dans le sol, tirer sur les cuisses, certes. Serrer les fesses ou, inversement, "pousser comme aux cabinets" devient plus douteux.
Toutes ces expressions ont cependant en commun de tourner autour du sexe sans le nommer. Or, le sexe n'est-il pas le "principe" dont ces demandes ne sont que des avatars imparfaits, anecdotiques, voire contreproductifs?
L'intérêt d'une connexion explicitement sexuelle est évident : comme le sexe, le chant doit être le lieu de la fusion parfaite du corps et de l'âme, de la chair et de l'esprit.
Le sexe répondant à une nécessité peut-être plus prégnante que le chant (la reproduction), certains conditionnements seront peut-être plus spontanément optimisés en partant du sexe qu'en partant de la voix. L'inverse peut bien sûr être vrai : le travail vocal peut révéler et épanouir la sexualité du chanteur.
Un désir, un éveil, une sensibilisation sexuels sont exactement ce que requiert le chant : ils détendent tout le corps et l'esprit, tout en dynamisant, en rendant disponible et réactif le premier, et en concentrant et stimulant le second. Aucune caresse ne sera pleinement efficace sur un corps contracté, et il n'y a pas de bonne érection sans détente préalable du corps : c'est d'ailleurs le principe du Viagra !
Pareillement, l'émission vocale la plus efficace minimise les tensions. Elle les localise éventuellement en termes de contrôle, mais les diffuse dans le corps en termes d'activité musculaire.
L'acte sexuel est également excellent dans la gestion du souffle qu'il suscite plus ou moins spontanément, par l'ouverture de tout le torse et l'oxygénation, voire la suroxygénation. Cette meilleure ventilation peut déjà être suscitée par le seul désir sexuel. Elle accompagne naturellement ce frisson voluptueux, ce sourire intérieur qui va détendre et dynamiser toute notre musculature.
Par ailleurs, sur le plan de l'efficacité non plus de la production vocale mais de la communication humaine, l'érotisation de la voix, par-delà les clichés d'une voix plus chaude ou sensuelle, consiste simplement en une connexion plus pleine et intime entre le locuteur et sa voix.
(à suivre !)