Archives de la liste Chant Mai 2004

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origine du son, besoin d'être entendu

DE : Peter Jones
LE : 14/05/2004 à 00:53 GMT

Lucie Ethier dit : “D'où vient-il ?  Je ne sais pas mais il est vrai que ce son est unique et ne peut qu'exprimer la liberté même si les mots la contredisent.”

Je réponds : Là c’est une super bonne question : d’où vient-il ce son ? Je crois que quand tu poses cette question que tu ne poses pas une question de physiologie mais une question d’origine en soi. J’aimerais autant savoir l’origine de ce son.

Je vais proposer quelque chose. Chacun a besoin d’être reconnu par les autres. C’est un besoin de validation de soi-même que tout le monde partage. Chacun a des manières d’attirer cette attention nécessaire, notamment « Les Mots et les Gestes », comme le dit Maxime LeForestier. L’opéra peut remplir amplement ce besoin d’être reconnu par le monde parce qu’il engage à la fois des gestes et des mots. Les gestes sont dans le contexte d’une intrigue, et les mots dans le contexte de la musique, ce que rend évidemment plus profond le geste que fait un artiste lyrique sur scène. L’opéra est une communication de soi qui remporte une satisfaction quasi immédiate dans la réaction du public.

Quelques exemples :

Musique baroque : la communication avec le public était plus sonore, parce que le but principale de beaucoup d’œuvres était de se vanter de sa voix en publique. Les compositeurs écrivaient souvent en fonction du meilleur chanteur qui leur était disponible pour le moment. C’était l’époque de l’improvisation, des fioritures, et des chanteurs nommés « virtuoso ». Souvent, dans l’opéra séria, l’intrigue était une combinaison d’airs jetées pêle-mêle ensemble dans le but de montrer la beauté de la voix humaine. La concentration était sur le chant. Écoute, par exemple, « La giustizia » de l’opéra Giulio Cesare de Haendel. Sinon, écoute tout simplement l’oratorio entier de Messiah de Haendel aussi. Tu vas y entendre tous les sorts d’arias à leur disposition à cet époque-là : aria cantabilie, aria de mezzo-carattere (« o thou that tellest »), aria di bravura (« rejoice greatly »), aria parlante (« thou shalt break them »), aria di portamento (« I know that my Redeemer liveth »), et l’aria d’imitazione (« the trumpet shall sound »). Je crois que tu auras bien saisi l’idée.

Musique romantique : Wagner :

Je crois que l’idée du Gesamptkuntswerk, un œuvre d’art complet, nous apporte une bonne idée de ce que c’est qu’une combinaison de geste et musique. Il n’y a plus de séparations d’aria et de récitatif comme pendant les époques précédentes. Les œuvres de Wagner sont « through-composed », c’est-à-dire que la musique ne s’arrête jamais. Il y a par contre des « leitmotivs » qui resurgissent pendant un opéra entier. Ecoute l’ouverture (« Einleitung ») et la fin (« Mild un leise ») de Tristan et Iseu pour avoir un bon exemple des leitmotivs d’amour-mort, ou « Liebestod ». Regarde/écoute l’opéra entier pour comprendre ce que c’est qu’un œuvre complet, qui satisfait les besoins à tous les niveaux : le niveau vocal et d’intrigue, ainsi que l’orchestre, qui joue un rôle plus important qu’avant.

Ma réponse est devenue plus longue que ce à quoi je m’attendais… Phew !

Amitiés musicales,

Peter Jones