Dans le cadre de son cycle Chostakovitch, l'Orchestre National de France a offert au public du Théâtre des Champs-Élysées deux des dernières oeuvres du compositeur. On ne peut que se réjouir du succès rencontré par ce concert et du regain d'intérêt pour Chostakovitch, encore souvent sous-estimé en France.
En première partie, l'intériorité de la Suite sur des vers de Michel-Ange convient bien à Matthias Goerne, qui en donne une interprétation d'une grande sobriété. Son émission sombrée répond aux cordes et aux cuivres graves privilégiés par Chostakovitch. Certes, cette émission appuyée, voire écrasée sur le larynx lui donne un timbre un peu sourd et le fait sonner un peu bas sur les premiers numéros, mais la vaillance physique de Goerne lui évite de donner les signes de fatigue souvent associés à ce type d'émission vocale. Sa voix se libère même peu à peu à partir des éclats sur le nom de Dante.
Dans cette oeuvre si désolée, seuls les coups de marteau du sculpteur apportent une vive animation dramatique au poème Création, et quelques percussions cristallines donnent une unique touche de lumière et de grâce.
En seconde partie, la quinzième et dernière symphonie offre plus de contrastes et de plages de détente relative, notamment par ses détournements caustiques mais plaisants de thèmes rossiniens et wagnériens. Dans la direction de Bernard Haitink, on ne regrette que la lenteur du troisième mouvement (allegretto). Ce tempo lui donne le caractère étrange d'une exposition calme de motifs instrumentaux successifs, d'un catalogue plutôt que d'une construction.
À écouter le 20 décembre 2006 à 20h sur France-Musique.
Alain Zürcher