Poèmes d'un jour R
Théâtre de l'Athénée • Paris • 18/12/2017
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Après son récital de janvier avec Cédric Tiberghien, Stéphane Degout revient graver un disque dans le cadre des Lundis musicaux à l'Athénée. Le programme est cette fois en partie germanique.
Comme en janvier, Stéphane Degout commence en chanteur d'opéra et termine en mélodiste. On regrette avant l'entracte l'étroitesse de la palette vocale et le timbre monochrome, cravaté et nasal, presque sourd et gris à la Goerne. Cette émission semble issue d'une habitude de surtimbrage sécurisant destiné à assurer ses prestations scéniques. Le formant du chanteur, indispensable pour passer la fosse d'orchestre, est ici trop appuyé, sur une base trop sombre. Mais après l'entracte, une confiance plus grande ou une affinité plus sensible avec Schumann lui fait oser de superbes mezza voce dans le haut-médium. Enfin fragile, il peut nous toucher.
Chez Fauré, c'est l'intensité sonore et le tempo rapide de Toujours qui lui convient le mieux. Chez Brahms, c'est aussi le tempo rapide de Willst du dass ich geh ?, dont l'élan en bourrasque a peut-être inspiré Begegnung à Wolf, qui ne laisse pas à Stéphane Degout le temps de surtimbrer. Son émission est dès lors plus naturelle, fluide, vitale ! à l'inverse, Auf dem Kirchhofe voit trop de sons terminer dans le nez et Feldeinsamkeit, malgré un beau legato, ne témoigne d'aucun abandon, et les demi-teintes font défaut.
L'allemand de Stéphane Degout est toujours excellent, avec presque un excès de conscience dans l'articulation.
Au piano, Simon Lepper impose une présence magistrale, un soutien constant du son et de la ligne, magnifié par un très bel accord de son instrument. Son jeu est plein et délié à la fois, sans aucune grosseur.
Chez Schumann, les deux interprètes ont parfois convenu de tempi quasi insoutenables, qui font perdre tout moteur rythmique à Stille Liebe et plus encore à Erstes Grün, dépouillé de tout rebond de la main droite à contretemps. Le premier Lied du cycle, Lust der Sturmnacht, est déjà un peu lent et donc décousu, emporté au ralenti par une bien calme tempête. Avec Stirb, Lieb' und Freud', Stéphane Degout n'y coupe pas : impossible de garder sa solidité de chanteur d'opéra, il doit chanter les aigus de la jeune fille en voce finta ! Il y réussit magnifiquement, ce qui lui ouvre enfin la porte de fines et touchantes nuances pour la suite de la soirée. Il chante dès lors Wanderlied avec vitalité mais sans grossissement, alors que ce Lied ouvrait sous ses pieds le piège redoutable du beuglement opératique. Auf das Trinkglas eines verstorbenen Freundes annonce à nouveau Wolf. On y regrette dans la dernière phrase pianissimo l'absence d'allègement pour évoquer la résonance du cristal sur "Klang" et "kristall'nen". Stille Liebe fait entendre une superbe mezza voce mais pâtit de son tempo lent. Stille Tränen est magnifique d'intensité concentrée, touchant par la simplicité de sa mélodie, qui avec le pathos faubourien de ses soufflets évoque une chanson de Piaf. Le dernier Lied du cycle est sublimement suspendu et maîtrisé dans la mezza voce.
Ce concert est enregistré par B Records pour l'Athénée Live.
Alain Zürcher