Le bâillement est à la fois la meilleure et la pire des images. Il est aussi souvent loué que décrié. Encore faudrait-il s'entendre sur son sens exact.
Le mot bâillement est extrêmement vague. Pour cette seule raison, il devrait être évité, ou du moins explicité par le professeur. Parmi les détracteurs de l'utilisation de l'image du bâillement figure un bon nombre de personnes qui lui prêtent un autre sens que ses zélateurs.
Le bâillement n'est pas seulement une image, mais un acte. Quand un professeur utilise l'image, recommande-t-il l'acte?
Qu'en est-il de ces professeurs qui donnent leur aval à un début de bâillement, tout en précisant qu'un bâillement amorcé ne peut être interrompu, et que l'acte, et donc l'image, sont à rejeter?
Effectivement, en recommandant le bâillement, on peut recommander :
Pour les professeurs le recommandant, il est peu probable que cela désigne la manifestation par l'élève d'un ennui profond et l'étirement d'un visage morne.
D'autres professeurs parlent d'une envie d'éternuer, ce qui évite toute connotation soporifique et éveille mieux la face. Cette image risque par contre de faire relever les arcades sourcillières et plisser le front, ou encore écraser excessivement le larynx sous la masse de l'arrière-langue.
Toute image doit être explicitée, corrigée, relativisée, et adaptée bien sûr à la morphologie comme au tempérament de chaque élève !
L'image de l'envie de bâiller peut-elle alors être corrigée par l'idée d'un bâillement heureux?
On peut déjà remarquer que si un bâillement peut être interrompu quand la bouche atteint sa plus grande ouverture, il ne s'agit pas d'un véritable bâillement, mais d'une ouverture volontaire et forcée de la bouche. Ce ne sera pas une ouverture par l'intérieur, mais une descente volontaire de la mandibule, accompagnée ou non d'un décrochement au niveau de son articulation.
Cela revient à demander à l'élève d'élever au maximum son voile du palais, et d'abaisser au maximum son larynx. Cette position ne peut procurer aucune souplesse ni aucune beauté à l'émission vocale.
Cette utilisation du bâillement ne peut que détendre l'élève en général, sa cavité buccale et sa mandibule en particulier. (Voir l'article Détente buccopharyngée.)
Il serait de très mauvaise foi d'affirmer qu'un élève venant de bâiller ne peut chanter que de manière morne et endormie.
Certains élèves ne seront jamais trop détendus pour chanter. Tous les moyens sont bons pour les faire parvenir à cette détente. Tout professeur a eu l'occasion de dire à un tel élève qu'il n'a jamais aussi bien chanté que ce jour où il était si épuisé.
Le réflexe du bâillement n'est d'ailleurs pas destiné à endormir, mais au contraire à lutter contre l'envie de dormir, grâce à la réoxygénation qu'il provoque.
Si l'on souhaite utiliser le bâillement pour préparer l'acte vocal, il est souhaitable de garder la pointe de la langue en avant en bâillant, voire de "tirer la langue".
Sinon, le recul de la langue peut être associé à la détente apportée par le bâillement, et l'on combine alors un conditionnement négatif à un conditionnement positif.
(Voir aussi l'article Langue.)