Comme exposé dans l'article La voix lyrique, on demande une grande étendue vocale à un chanteur lyrique. Ce dernier devrait donc logiquement utiliser les différents mécanismes laryngés à sa disposition :
Une étrange norme culturelle l'en empêche cependant. Selon cette convention, héritée de quelques siècles d'évolution du goût et du rapport au "genre", une émission lyrique "légitime" :
Cette répartition des tâches est restée immuable depuis que Duprez a imposé l'ut de poitrine masculin auprès du public, qui l'exige depuis.
Pour justifier ce biais culturel, on prétend que les hommes sont incapables d'un passage fluide entre leurs mécanismes lourd et léger, et qu'on ne peut pas faire un crescendo à partir du fausset... alors même :
(Du fait sans doute de la taille inférieure de leurs cordes vocales, elles y parviennent certes plus facilement que les hommes, répondant donc mieux qu'eux à l'exigence d'homogénéité d'une voix lyrique.)
(Ils y parviennent plus ou moins bien car ils sont en général descendus trop bas dans leur mécanisme léger pour que le mécanisme lourd puisse prendre le relais de manière fluide et équilibrée en intensité, exactement comme les femmes non-lyriques montent trop haut en mécanisme 1 pour pouvoir passer de manière fluide et équilibrée en intensité en mécanisme 2.)
L'oreille lyrique refuse donc aux hommes précisément ce qu'il exige des femmes : passer en mécanisme léger dans l'aigu.
À l'inverse, une oreille non lyrique considère une émission féminine correcte seulement si elle monte en voix de poitrine jusqu'à ses extrêmes limites, donc comme un ténor en chant lyrique. (C'est pourquoi Richard Cross a appelé ces femmes des ténoristes, sur le modèle des sopranistes masculins.)
Historiquement, on a donc vu grossièrement se succéder :
Parallèlement, des rôles masculins pouvaient être tenus par des femmes et inversement. Dans certains contextes, des hommes pouvaient être castrés, il pouvait être interdit aux femmes de chanter à l'église, ou bien la mixité pouvait être interdite.
Parallèlement, le réalisme a triomphé en faisant incarner chaque rôle par un chanteur de même sexe.