Bibliographie

LAMPERTI, Giovanni Battista

Vocal Wisdom

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Cet ouvrage est la transcription et la traduction de l'enseignement oral de Giovanni Battista Lamperti (Italien) reçu (apparemment en français) par son élève William Earl Brown (Américain). Enseignement reçu à la toute fin du 19ème siècle, publié en 1931 sous forme de "maximes" très approximativement réunies, avec de nombreuses redites et variations légères, sous des titres de chapitres qui ne correspondent que très lointainement à leur contenu... Ouvrage réimprimé à l'identique depuis, avec depuis 1957 quelques pages de carnets supplémentaires, traduites par une élève de l'élève de Lamperti !
Ceci exposé, on comprendra qu'il est vraiment miraculeux que les maximes de cet ouvrage soient si incroyablement justes et cohérentes ! La partie ajoutée en 1957 par Lilian Strongin est d'ailleurs d'un niveau nettement inférieur : elle a en fait repris littéralement des sources manifestement déjà exploitées ou écartées par William Earl Brown. À quel point la pertinence de la première partie tient-elle à la réflexion, à l'expérience et aux reformulations personnelles de William Earl Brown? Le lecteur l'ignore. Sans doute des thèses universitaires ont-elles été consacrées aux États-Unis à cet ouvrage et à ses sources, mais l'édition couramment disponible n'a absolument rien d'une édition critique ! Un esprit français et donc un minimum cartésien peut d'ailleurs être légitimement épouvanté par la présentation quasi aléatoire de ces maximes. Leur lecture en est certes rendue plus piquante, puisqu'on ne sait jamais ce qu'on va découvrir à la page suivante, mais cette désinvolture est bien surprenante s'agissant de l'un des témoignages les plus importants qui nous soient parvenus sur l'enseignement des maîtres de l'école italienne ! Cette édition évoque plutôt l'attitude des éditeurs français de musique, qui sont capables de réimprimer pendant un siècle les mêmes coquilles et les mêmes erreurs - ainsi que de demander une fortune pour ces réimpressions baveuses, ce que Crescendo/Taplinger ne fait certes pas !

Nous sommes donc en présence d'un ensemble de "maximes" dont beaucoup pourraient encore aujourd'hui être encadrées et accrochées au mur d'un studio de chant ! Certes, le débutant n'y apprendra guère de "truc" facilement applicable, et Lamperti refuse clairement toute notion de "méthode". S'il avait certainement une foi absolue dans les préceptes qu'il enseignait, il ne jouait apparemment pas au gourou. Il est agréable de penser que ce petit ouvrage permet de jeter aux orties, si du moins on a la chance de lire l'anglais, un nombre conséquent d'ouvrages publiés depuis et prétendant révéler les "secrets", soi-disant "perdus", de l'art du chant et du bel canto !

On retrouve en fait ici l'essentiel de la base italienne traditionnelle assimilée par Richard Miller, exposée en des formulations certes concises mais remarquablement claires. La justesse scientifique de nombre d'intuitions de Lamperti est d'ailleurs confondante. Ce n'est que quand il se risque à des explications physiologiques impliquant précisément le cartilage cricoïde (p.12), l'épiglotte ou les bandes ventriculaires (pp. 85 et 101) qu'on peut actuellement douter de la validité scientifique de ses conceptions.

Lamperti présente aussi une approche globale, "holistique" dit-on maintenant, que Miller n'a pas repris, mais qui possède, plus d'un siècle après, toutes les qualités que l'on peut souhaiter d'une telle approche, sans aucun écran de fumée inutile ! Le "désir de chanter" est ainsi une expression qui revient aussi fréquemment que celle de "focus".

Que ce soit sur la respiration, la diction, les sensations internes ou les attaques "fermées", les principes de Lamperti sont si justes qu'il serait vain de vouloir citer les principaux ici. Ses idées a priori plus surprenantes sont aussi sources d'enrichissement et de progrès ! Par exemple, pp. 45 et 69, l'idée que le son naît de la séparation des cordes vocales et non de leur accolement peut d'abord étonner mais apparaît ensuite brillante et bien utile, puisqu'elle permet de penser une tonicité de cette séparation, là où penser une tonicité de l'accolement pourrait être préjudiciable. On rejoint en fait le "coup de glotte" au sens de Garcia et non dans son sens péjoratif - celui justement d'un brusque accolement (ou de la construction d'une pression sous-glottique à glotte fermée) précédant une brusque séparation des cordes.

Page 34, on tiquera un peu à l'idée selon laquelle il ne faut pas toucher à certaines caractéristiques vocales comme l'engorgement d'une voix ou sa couleur blanche ou sombre, mais d'autres passages de l'ouvrage relativisent cette approche, ainsi que le faisait certainement Lamperti dans son enseignement.