MILLER, Richard |
(Oxford University Press 1996) |
On the Art of Singing |
Cet ouvrage est un recueil d'articles, parus pour la plupart dans le NATS Journal (devenu ensuite Journal of Singing), publié par la NATS, l'association américaine des professeurs de chant.
Sa lecture est très agréable. Il est sans doute plus abordable que La Structure du Chant, Miller n'étant de toute façon pas très doué pour structurer son discours sur une longue distance ! Certains articles pourront même déclencher des prises de conscience d'une portée plus concrète... si bien sûr on lit l'anglais (technique et clair, donc facile) de cet ouvrage.
Même quand Miller enfonce des portes ouvertes, il le fait avec talent et pertinence. Après tout, n'est-ce pas lui qui a contribué à les ouvrir? Certes, quand il fustige ce qu'il déteste (comme l'utilisation pédagogique d'"images" dans le premier article), il peut paraître de mauvaise foi quand on ne partage pas son aversion, mais l'est toujours manifestement en toute sincérité ! À ce titre, l'article 25 Sharpening Up Some Old Pedagogical Saws traite plutôt des préjugés de Richard Miller, qui sont d'ailleurs plus terminologiques et formels que techniques ou conceptuels. Par exemple, page 76, il critique vertement l'injonction "support from the diaphragm" ou l'idée "controlling the diaphragm for singing", alors qu'il s'agit d'une manière différente de demander exactement la même chose que lui, ses propres termes étant "maintien de la position d'inspiration" et "retarder l'expiration". Il est vrai que page 78 il parle de l'antagonisme des muscles de la paroi antéro-latérale de l'abdomen, alors que l'antagonisme principal est avec le diaphragme, chose qu'il serait étonnant que Miller conteste, quoiqu'il reste justement très flou à ce sujet dans La Structure du Chant.
Page 80, on a droit à l'inévitable tirade contre le bâillement : the yawn and the stretch are generally associated with fatigue, weariness, and boredom. Un peu plus d'objectivité obligerait à dire que l'étirement et le bâillement sont des réactions contre la fatigue et l'ennui et que leur effet est donc une meilleure oxygénation, un réveil et non un assoupissement !
De même, l'article The Flat-Earth School of Vocal Pedagogy est intéressant mais mélange à dessein tout et n'importe quoi et semble nier que même un idéal fonctionnel puisse et parfois doive se transmettre par des images.
Mais Richard Miller est très amusant quand il se moque de choses que l'on désapprouve autant que lui. Ses arguments en réponse aux attaques subies par les professeurs "techniques" pourront ainsi être resservis et l'on pourra opiner du chef à ses idées sur les jurys de concours, l'influence de la variété et du disque, la fin des "voix baroques" ou les masterclasses d'interprétation données par des stars vieillissantes à des élèves techniquement immatures. Certains articles sont d'ailleurs hilarants, comme How to Really Bomb a Master Class, "What You Need Is More Support !", Twenty-one Proven Ways to Alienate Competition Judges ou Patching the Vocal Garment, sans oublier les trois (!) articles qui visent les vocal sausage-makers, manière très amusante de dénoncer l'absence de legato et les effets systématiques sur chaque mot ou syllabe de certains chanteurs de Lieder, dont le chant est ici comparé à un chapelet de saucisses !
On peut s'étonner parfois que deux articles sur le même sujet soient présentés successivement et non fusionnés en un seul, a fortiori s'ils se recoupent et se paraphrasent. Manque de temps, incapacité ou répugnance à se replonger dans des écrits anciens ou volonté de conserver à chaque article sa cohérence d'origine?
Certains articles sont plus superficiels, par exemple :
Quelques articles vont beaucoup plus loin que La Structure du Chant et sont à ce titre passionnants. Par exemple :
Les articles suivants ce dernier, qui pourraient être de brillantes applications de l'analyse spectrographique qui vient d'être présentée, sont par contre très décevants :
Bien des articles, comme par exemple The Invisible Instrument?, mériteraient bien sûr un développement. Quoique déjà plus long que la moyenne, The Choral Conductor as Teacher of Vocal Technique pourrait faire l'objet d'un ouvrage plus approfondi. Commencer un échauffement choral par des attaques de voyelles semble un peu ambitieux, mais peut-être est-ce faute de place que Richard Miller est allé directement à ce qui lui semble le plus important?
Certains articles sont courts mais judicieux, par exemple :
De nombreux articles vont au-delà de la seule technique vocale pour répondre très pertinemment à des questions comme What To Do on a Performance Day ou Is There a Cure for Performance Anxiety? ou aborder le sujet de la "créativité" ou de l'art de re-création du chanteur (Reality and Art, Sentiment or Sentimentality?).
Page 8, on peut s'étonner de voir Miller répéter la conception erronée selon laquelle le diaphragme ne peut pas être directement contrôlé (can neither be felt nor locally controlled).
Page 37, n'est-il pas un peu idéaliste de dire que si un chanteur est baryton et si son instrument est éduqué pour fonctionner efficacement, il sonnera comme un baryton; une basse fonctionnant efficacement sonnera comme une basse? Cela n'est-il pas uniquement vrai si l'on accorde justement la priorité au timbre et non à la tessiture pour "classer" une voix? N'existe-t-il pas des basses au timbre clair, qui ne sonnent donc pas "comme des basses"? Ou bien Miller sous-entend-il que ces basses sont toutes en réalité des barytons? La question de savoir si une voix émise efficacement a forcément le timbre de sa tessiture mériterait une étude spécifique !
Page 82, Miller fait allusion à some recent vocal research that advises that the larynx may be raised to produce bright vocal timbre and (...) lowered to achieve greater depth of timbre, sans citer Garcia qui l'écrivait déjà il y a un siècle et demi !