Extraits d'un concert donné le 14 juillet 2021 par Alain Zürcher (baryton) et Cristian Monti (piano), professeurs de l'Atelier du Chanteur.
Dichterliebe op.48 (1840) Heinrich Heine (1797-1856) Robert Schumann (1810-1856) |
Les Amours du Poète Traduction © 2012 Alain Zürcher, tous droits réservés.
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12 Am leuchtenden Sommermorgen geh' ich im Garten herum. Es flüstern und sprechen die Blumen, ich aber wandle stumm. Es flüstern und sprechen die Blumen, und schau'n mitleidig mich an : Sei uns'rer Schwester nicht böse, du trauriger, blasser Mann. |
12 Par un radieux matin d'été, Je fais un tour dans le jardin. Les fleurs murmurent et bavardent, Moi je chemine en silence. Les fleurs murmurent et bavardent Et me regardent avec pitié : N'en veux pas à notre soeur, Toi l'homme triste et pâle ! |
13 Ich hab' im Traum geweinet, mir träumte du lägest im Grab. Ich wachte auf, und die Träne floß noch von der Wange herab. Ich hab' im Traum geweinet, mir träumt' du verließest mich. Ich wachte auf, und ich weinte noch lange bitterlich. Ich hab' im Traum geweinet, mir träumte du wär'st mir noch gut. Ich wachte auf, und noch immer strömt meine Tränenflut. |
13 J'ai pleuré en rêve ; Je rêvais que tu gisais dans la tombe. Je me suis réveillé, et la larme Coulait encore sur ma joue. J'ai pleuré en rêve ; Je rêvais que tu me quittais. Je me suis réveillé et j'ai pleuré Encore longtemps amèrement. J'ai pleuré en rêve ; Je rêvais que tu m'étais encore favorable. Je me suis réveillé, et encore toujours Coule le flot de mes larmes. |
14 Allnächtlich im Traume seh' ich dich, und sehe dich freundlich grüßen, und laut aufweinend stürz' ich mich zu deinen süßen Füßen. Du siehest mich an wehmütiglich, und schüttelst das blonde Köpfchen ; aus deinen Augen schleichen sich die Perlentränentröpfchen. Du sagst mir heimlich ein leises Wort, und gibst mir den Strauß von Zypressen. Ich wache auf, und der Strauß ist fort, und's Wort hab' ich vergessen. |
14 Chaque nuit en rêve je te vois, Et te vois me saluer amicalement, Et en pleurant bruyamment je me jette À tes pieds chéris. Tu me regardes douleureusement Et secoues ta petite tête blonde ; De tes yeux coulent doucement Les gouttelettes perlées de tes larmes. Tu me dis en secret un mot doux Et me donnes le bouquet de cyprès. Je me réveille : plus de bouquet, Et le mot je l'ai oublié. |
15 Aus alten Märchen winkt es hervor mit weißer Hand, da singt es und da klingt es von einem Zauberland ; wo bunte Blumen blühen im gold'nen Abendlicht, und lieblich duftend glühen mit bräutlichem Gesicht ; Und grüne Bäume singen uralte Melodei'n, die Lüfte heimlich klingen, und Vögel schmettern drein ; Und Nebelbilder steigen wohl aus der Erd' hervor, und tanzen luft'gen Reigen im wunderlichen Chor ; Und blaue Funken brennen an jedem Blatt und Reis, und rote Lichter rennen im irren, wirren Kreis ; Und laute Quellen brechen aus wildem Marmorstein, und seltsam in den Bächen strahlt fort der Widerschein. Ach ! könnt' ich dorthin kommen, Und dort mein Herz erfreu'n, und aller Qual entnommen, und frei und selig sein ! Ach ! jenes Land der Wonne, das seh' ich oft im Traum, doch kommt die Morgensonne, zerfließt's wie eitel Schaum. |
15 Du fond des vieux contes on me fait signe d'une blanche main, Cela chante et résonne d'un pays enchanté ; Où des fleurs colorées fleurissent Dans la lumière dorée du soir, Et aimablement parfumées rougeoient Avec des visages nuptiaux ; Et des arbres moussus chantent Des mélodies du fond des âges, L'air résonne familièrement et les oiseaux y lancent leurs roulades ; Des images brumeuses s'élèvent De la terre Et dansent des rondes vaporeuses En un choeur étrange ; Et de bleues étincelles brillent Sur chaque feuille et rameau, Et de rouges lumières courent En un cercle fou et désordonné. Et de bruyantes sources jaillissaient Du marbre brut, Et étrangement dans les ruisseaux Irradie le reflet. Ah ! si je pouvais aller là-bas Et y réjouir mon coeur, Et détaché de tout tourment, Être libre et heureux ! Ah ! ce pays de délices, Je le vois souvent en rêve ; Mais vient le soleil du matin, Il se dissipe comme vaine fumée. |
16 Die alten, bösen Lieder, die Träume bös' und arg, die laßt uns jetzt begraben, holt einen großen Sarg. Hinein leg' ich gar manches, doch sag' ich noch nicht was ; Der Sarg muß sein noch größer wie's Heidelberger Faß. Und holt eine Totenbahre, von Bretter fest und dick ; auch muß sie sein noch länger als wie zu Mainz die Brück'. Und holt mir auch zwölf Riesen, die müssen noch stärker sein als wie der starke Christoph im Dom zu Köln am Rhein. Die sollen den Sarg forttragen, und senken in's Meer hinab ; denn solchem großen Sarge gebührt ein großes Grab. Wißt ihr warum der Sarg wohl so groß und schwer mag sein ? Ich senkt' auch meine Liebe Und meinen Schmerz hinein. |
16 Les vieux chants méchants, Les rêves méchants et malins, Enterrons-les maintenant, Allez chercher un grand cercueil. J'y mettrai bien des choses, Mais je ne dis pas encore quoi ; Le cercueil doit être encore plus grand Que le fût d'Heidelberg. Allez chercher une civière De planches solides et épaisses ; Elle doit être encore plus longue Que le pont de Mayence. Allez chercher aussi douze géants, Qui doivent être encore plus forts Que le fort Saint-Christophe De la cathédrale de Cologne sur le Rhin ! Ils devront emporter le cercueil Et le faire sombrer dans la mer ; Car un tel grand cercueil Mérite une grande tombe. Savez-vous pourquoi le cercueil Risque d'être si grand et lourd ? Je veux y engloutir aussi mon amour Et ma douleur. |
Songs of travel (1904) Robert-Louis Stevenson (1850-1894) Ralph Vaughan Williams (1872-1958) |
Chants du voyage Traduction © 2012 Alain Zürcher, tous droits réservés.
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5 - In dreams In dreams unhappy, I behold you stand As heretofore : The unremembered tokens in your hand Avail no more. No more the morning glow, no more the grace, Enshrines, endears. Cold beats the light of time upon your face And shows your tears. He came and went. Perchance you wept a while And then forgot. Ah me ! but he that left you with a smile Forgets you not. |
5 Dans mes rêves malheureux, je te vois te tenir Comme jadis : Les atouts oubliés dans ta main N’ont plus cours. Ni le rougeoiement du matin, ni la grâce N’enchâsse ni ne charme plus. Froide tombe la lumière du temps sur ton visage Et montre tes larmes. Il est venu et reparti. Peut-être tu pleuras un moment Puis oublias. Mais moi ! celui qui t’a quitté avec le sourire Ne t’oublie pas. |
6 - The infinite shining heavens The infinite shining heavens Rose and I saw in the night Uncountable angel stars Showering sorrow and light. I saw them distant as heaven, Dumb and shining and dead, And the idle stars of the night Were dearer to me than bread. Night after night in my sorrow The stars stood over the sea, Till lo ! I looked in the dusk And a star had come down to me. |
6 Les cieux lumineux infinis Se levèrent et je vis dans la nuit D’innombrables étoiles tutélaires Répandant le chagrin et la lumière. Je les vis distantes comme le ciel, Muettes et brillantes et mortes, Et les vaines étoiles de la nuit M’étaient plus chères que le pain. Nuit après nuit dans mon chagrin, Les étoiles se tinrent au-dessus de la mer, Jusqu’à ce que, voyez ! je regardai dans l’obscurité Et une étoile était descendue vers moi. |
7 - Whither must I
wander Home no more home to me, whither must I wander ? Hunger my driver, I go where I must. Cold blows the winter wind over hill and heather ; Thick drives the rain, and my roof is in the dust. |
7 La maison n’est plus mon foyer, vers où dois-je cheminer ? La faim conduit mes pas, je vais où je dois. Froid souffle le vent d’hiver sur collines et bruyères ; Drue tombe la pluie, et mon toit est dans la poussière. |
Loved of wise men was the shade of my roof-tree. The true word of welcome was spoken in the door — Dear days of old, with the faces in the firelight, Kind folks of old, you come again no more. |
Aimé des hommes sages était l’abri de ma poutre faîtière. La bienvenue sincère était souhaitée à la porte — Chers jours d’antan, avec les visages à la lueur du feu, Bonnes gens d’antan, vous ne reviendrez plus. |
Home was home then, my dear, full of kindly faces, Home was home then, my dear, happy for the child. Fire and the windows bright glittered on the moorland ; Song, tuneful song, built a palace in the wild. |
La maison était un foyer alors, ma chère, plein de visages amicaux, La maison était un foyer alors, ma chère, heureux pour l’enfant. Le feu et les fenêtres brillantes luisaient sur la lande ; Le chant, le chant mélodieux construisait un palais dans la solitude. |
Now, when day dawns on the brow of the moorland, Lone stands the house, and the chimney-stone is cold. Lone let it stand, now the friends are all departed, The kind hearts, the true hearts, that loved the place of old. |
Maintenant, quand le jour point au sommet de la lande, La maison se dresse solitaire et la cheminée est froide. Qu’elle reste solitaire, maintenant que les amis sont tous partis, Les bons coeurs, les coeurs sincères qui aimaient l’endroit d’antan. |
Spring shall come, come again, calling up the moorfowl, Spring shall bring the sun and rain, bring the bees and flowers ; Red shall the heather bloom over hill and valley, Soft flow the stream through the even-flowing hours ; |
Le printemps viendra, reviendra, appelant les oiseaux de la lande, Le printemps amènera le soleil et la pluie, les abeilles et les fleurs ; Rouge fleurira la bruyère par monts et par vaux, Doucement coulera le ruisseau à travers les heures s’écoulant également ; |
Fair the day shine as it shone on my childhood — Fair shine the day on the house with open door ; Birds come and cry there and twitter in the chimney — But I go for ever and come again no more. |
Clair le jour luira comme il luisait sur mon enfance — Clair luira le jour sur la maison à la porte ouverte ; Les oiseaux viendront crier là et gazouiller dans la cheminée — Mais je m’en vais pour toujours et ne reviendrai plus. |
8 - Bright is the ring of words Bright is the ring of words When the right man rings them, Fair the fall of songs When the singer sings them. Still they are carolled and said — On wings they are carried — After the singer is dead And the maker buried. Low as the singer lies In the field of heather, Songs of his fashion bring The swains together. And when the west is red With the sunset embers, The lover lingers and sings And the maid remembers. |
8 Brillant est le son des mots Quand l’homme qu’il faut les fait sonner, Belle la naissance des chants Quand le chanteur les chante. Toujours il sont fredonnés et dits — Sur des ailes ils sont portés — Après que le chanteur est mort Et le créateur enterré. Aussi bas que repose le chanteur Dans le champ de bruyère, Les chants de son cru réunissent Les amoureux. Et quand l’ouest est rouge Des ambres du couchant, L’amant s’attarde et chante Et la jeune fille se souvient. |
9 - I have trod the upward and the downward slope I have trod the upward and the downward slope ; I have endured and done in days before ; I have longed for all, and bid farewell to hope ; And I have lived and loved, and closed the door. |
9 J’ai suivi la pente ascendante et descendante ; J’ai enduré et accompli aux jours d’antan ; J’ai tout désiré et dit adieu à l’espoir ; Et j’ai vécu et aimé, et fermé la porte. |