Re: critères pour chanteur pro
DE | : | Alain Zürcher |
LE | : | 02/03/2004 à 23:54 GMT |
Héhé, c'est en effet un bel exemple de positivisme américain que Peter nous
donne!
Et sa modestie (?) l'a empêché de nous dire qu'il avait déjà écrit un texte
sur ce sujet sur son site internet. Vous y découvrirez que Peter est aussi
l'auteur de rien de moins que "Human Time, Real Time, and the Will to Move
through Time: Arthur Schopenhauer's Influence on T. S. Eliot's Four
Quartets" ! :-)
(Accès à partir de
http://www.woofumdust.com/peter/)
Il y a aussi des poèmes introduits par cette phrase à l'humour que je trouve
génial, enfin je suppose qu'il s'agit d'humour intentionnel, puisqu'il n'est
pas signalé comme tel, ce qui le renforce encore, à la manière plutôt
britannique donc :
"Peter Jones' Poetry Selections: All written by an inspiration that often
comes to me in moments of stress, love, hate, and mandatory writing
assignments."
* * *
Une question subsidiaire pourrait être : comment nous "vieux" Européens
pouvons-nous acquérir une part de l'esprit positif de la "jeune" Amérique,
sans perdre pour autant nos qualités propres?
Il y aurait la question de la simplicité : considéré isolément, chaque
critère paraît simple. Ici en France, on le lit donc en vitesse, on se dit
"bien sûr", on trouve même peut-être cela simpliste, on se pense déjà
au-delà, mais du coup on ne le FAIT pas, on ne l'applique pas. On peut
ensuite être génial dans les détails, ou bénéficier d'un arrière-plan
culturel fabuleux, il manquera peut-être toujours ces fondations, ces
petites étincelles de base, ce petit moteur, ces principes, ce
questionnement, cette structuration très simple (un projet, un plan, une
remise en question régulière)... et simplement cette approche positive.
Je reviens de quelques jours à l'étranger et comme chaque fois je suis fier
qu'où qu'on aille, on croise une vaste majorité de Français dans les musées.
Mais je suis aussi frappé qu'une fois sur trois ou quatre, quand on entend
parler français, c'est quelqu'un qui est en train de se plaindre, de
ronchonner, de dénigrer...
* * *
Or cette attitude positive est aussi essentielle au chanteur. La complexité
du problème tient en partie dans la relation entre :
- d'un côté : confiance en soi, ego, ambition, extraversion etc.
- de l'autre :
- conscience que l'on sera toujours entendu et jugé de l'extérieur, que ce
sera toujours l'auditeur qui aura le dernier mot;
- conscience que l'on ne peut être reconnu et réussir que par les autres,
à travers l'écoute d'autres personnes, et que l'on devra être guidé par
d'autres personnes (professeurs);
- conscience que l'on est toujours sur un chemin, au début ou à une étape
intermédiaire, et que l'on ne peut guère brûler d'étape sans danger - mais
en voyant cela positivement on peut aussi se "rassurer" en se disant qu'en
allant à son rythme on a toutes les chances d'arriver à bon port et que cela
vaut mieux que de se lamenter sur les occasions ratées et de jalouser
d'autres chanteurs dont l'on pense qu'ils ont eu de la "chance" ou qu'ils
ont été favorisés etc. - ce que les français adorent faire, quitte à se
miner le moral et l'existence. (Il y a peut-être aussi une caractéristique
française qui fait que si on ne parvient pas à être heureux soi-même on
voudrait au moins que les autres soient malheureux? Mais c'est aussi la
"Schadenfreude" allemande, enfin peut-être pas allemande mais ils ont au
moins créé un mot pour le dire, ce qui n'est peut-être pas innocent !)
Donc, d'un côté il est peut-être important de se trouver génial et de
vouloir offrir sa voix au monde, de l'autre il faut avoir conscience que
l'on n'est à chaque point de notre parcours que "relativement" génial :
- que l'on sera encore plus génial demain qu'aujourd'hui!
- que l'on a peut-être autant de défauts que nos condisciples, chez qui on
les remarque naturellement plus facilement, pouvant les entendre de
l'extérieur - au sens acoustique, sans être trompé par l'oreille interne,
mais aussi en étant détaché de leurs émotions et en ne les recevant (ou non)
que par leur chant (et leur "charisme" général), donc sans être trompé par
nos propres émotions, celles que l'on éprouve en chantant mais que l'on ne
transmet pas forcément.
* * *
Pour finir, un petit principe supplémentaire : toujours avoir présent à
l'esprit que si l'on fait quelque chose différemment des autres, c'est
peut-être qu'on le fait mal. Certes, on peut trouver dans nombre d'ouvrages
une foule d'inepties qu'il serait idiot de vouloir singer, mais si l'on
entend régulièrement parler d'une sensation que l'on n'a jamais éprouvée,
d'une action musculaire que l'on n'a jamais effectuée etc., il y a une
petite chance pour que ce soit la clé de notre prochain pas en avant, et non
pas la marque de notre individualité ou de celle de notre fabuleux
professeur, le seul à détenir les secrets de l'école Trucmuche du chant,
tellement supérieure aux autres qu'elle en est proprement unique...
| Alain Zürcher
| L'Atelier du Chanteur
|
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