La fréquence de vibration des cordes vocales (donc la hauteur du son) ainsi que l'intensité sonore (le volume, la puissance) sont en partie déterminées par la pression sous-glottique.
Raoul HUSSON a tenté, en son temps, d'expliquer le phénomène différemment, par une commande neurologique (un influx nerveux) proportionnelle à la fréquence. Cette thèse a été invalidée.
(Notons au passage que l'influx nerveux a peut-être sur la fréquence (vitesse) du vibrato l'influence qu'il n'a pas sur la hauteur du son.)
Il n'en reste pas moins que c'est un ordre cérébral qui commande la hauteur et l'intensité du son, donc la pression sous-glottique nécessaire. Il ne faut pas inverser les termes ! Le chanteur ne doit pas être victime d'une pression sous-glottique considérée comme nécessaire a priori, mais maître de celle-ci : c'est lui qui la suscite, en fonction d'objectifs bien précis !
D'autre part, même en ne retenant que le principe de la pression sous-glottique, ce n'est pas en poussant de l'air contre la glotte qu'on va augmenter cette pression ! Cela supposerait que les cordes vocales forment un mur, contre lequel on pourrait comprimer de l'air !
Or, justement dans les fréquences élevées, les cordes vocales sont plus étirées en longueur, donc plus fines. Leur accolement est alors plus léger que dans le grave. S'il n'est pas plus fragile, c'est que la tension longitudinale largement supérieure et la compression médiane des cordes vocales les empêchent de "lâcher" sous la pression.
Mais ceci est vrai face à une "pression d'équilibre" (la pression de l'air contenu sous la glotte), et ne l'est plus face à une pression exercée contre la glotte.
J'ignore ce qui peut différencier ces deux types de pression en termes physiques, mais il me semble que :
La première est une pression constante, appliquée instantanément à tout le volume d'air sous-glottique grâce à un équilibre de forces antagonistes.
La seconde est une pression croissante, localisée contre la glotte, qui n'est pas équilibrée par une contre-pression permettant de répartir la pression à tout le volume sous-glottique.
Dans ce second cas, la pression souhaitée est certes atteinte sous les cordes vocales :
soit, si le chanteur se prépare à chanter une note isolée, après une très courte phase de "montée en puissance" pendant laquelle il a maintenu ses cordes vocales fermées (le début de son sera alors précédé d'un "coup de glotte" audible),
soit, au cours d'une phrase musicale dont l'exigence de soutien a crû progressivement (en raison d'un changement de tessiture, d'une exigence de legato ou de la simple durée de cette phrase), par l'accroissement de cette pression.
Une perte d'air va cependant se produire entre les cordes vocales, plus importante que chez le chanteur qui chante en "équilibre".
Cette perte est souvent audible chez le chanteur débutant ou vieillissant. Le chanteur en pleine possession de ses moyens pourra la compenser instantanément ("en temps réel"), au prix d'un effort supplémentaire.
En effet, en raison de cette perte d'air, la pression diminuerait dès l'émission du son, si le chanteur n'appliquait pas contre les cordes une pression croissante.
Si la pression de l'air diminue, le son va être trop bas. C'est souvent le cas chez un chanteur dont la perte d'air est audible.
Mais si le chanteur ne maîtrise pas correctement la pression croissante qu'il applique, il peut aussi chanter trop haut.
Ce que l'on oublie peut-être, c'est que la zone sous-glottique communique librement avec l'air contenu dans l'ensemble des poumons.
La pression sous-glottique n'est donc que celle de la totalité de la réserve d'air du chanteur.
La pression sous-glottique souhaitée peut donc être répartie dans l'ensemble de ce volume d'air. Si cette répartition est correctement effectuée, le terme même de pression paraît inadapté, tant cette pression est affaiblie par la répartition.
La vibration efficace des cordes vocales ne requiert pas seulement une pression sous-glottique, mais aussi une pression supra-glottique qui la contre-balance en grande partie. Il n'y a là aucun paradoxe, car il n'est pas besoin de cette pression sous-glottique pour "projeter" la voix en dehors de la bouche, mais juste pour faire vibrer les cordes vocales ! Après amplification sélective dans les résonateurs, la propagation naturelle des ondes sonores se charge du travail, selon les lois de l'acoustique.
En fait , même quand l'émission d'un son donné ne peut pas faire l'économie d'une forte pression sous-glottique, les cordes vocales vibrent d'autant plus efficacement que la différence de cette pression avec la pression supra-glottique est faible.
La pression supra-glottique est déterminée par la pression atmosphérique mais aussi, à l'intérieur du résonateur pharyngé (couplé avec le résonateur buccal et/ou nasal), par le "retour" du son vers le larynx. C'est l'impédance ramenée sur le larynx chère à Husson.
Selon cette conception, qui peut certes conduire à des excès, le conduit vocal ne va pas seulement jouer un rôle de filtre et d'amplificateur dans la production du son destiné à l'auditeur, mais aussi un rôle de "retour" pour le larynx : une partie des ondes sonores sera renvoyée vers la source glottique. (Il ne faut pas confondre ce retour, utile en termes de simple pression supra-glottique, avec un "retour" vers l'oreille interne du chanteur, qui n'a qu'un rôle de contrôle et peut conduire à d'autres excès !)
On peut déduire de ce qui précède qu'il n'est pas plus difficile de chanter "contre" une forte pression atmosphérique, au contraire : chanter dans un milieu soumis à une forte pression atmosphérique (par exemple par beau temps à faible altitude) est plus facile, puisque la pression supra-glottique est d'emblée plus élevée. Outre la vibration des cordes vocales (et notamment l'entretien de cette vibration), l'inspiration comme le maintien en position d'inspiration en sont aussi grandement facilitées, ainsi que l'oxygénation dans le cas général où cet air est plus riche en oxygène.
Il faudrait également évoquer l'influence certainement forte de la pression atmosphérique sur les membranes cellulaires, le système nerveux et l'ouïe, mais je ne connais malheureusement aucune étude consacré à ce sujet dans ses effets sur le chant.
En termes pratiques, on se contentera d'essayer d'adapter sa technique aux conditions atmosphériques (et donc aussi à l'altitude), notamment par l'adoption d'une émission à plus faible impédance ramenée en cas de faible pression atmosphérique. Vouloir compenser intégralement la faible pression atmosphérique par un "retour" plus grand des résonateurs et chercher donc à ressentir les mêmes sensations internes expose en effet à un risque de fatigue vocale.
Il semble cependant que peu de chanteurs souffrent, du moins consciemment, de ce phénomène. D'un point de vue d'observateur, on peut néanmoins constater que les régions qui ont vu naître les plus grands chanteurs comme les plus grands violons ne sont pas perdues dans les brumes et soumises aux vents marins du nord-ouest de l'Europe... Chacun peut aussi faire l'expérience de la frustrante difficulté à chanter avant un orage (quand les insectes semblent irrités et volent bas !) et de l'exaltante facilité à chanter quand l'orage éclate !
Il ne faut pas confondre la recherche d'une pression supra-glottique, et donc d'une impédance ramenée, avec la tension de quelque muscle que ce soit. Toute tension musculaire au-dessus de la glotte va exiger un effort supplémentaire en-dessous de la glotte.
La vibration laryngée est plus efficace en présence d'un équilibre "pneumo-résonantiel", entre le souffle et la résonance, c'est à dire entre les pressions sous-glottique et supra-glottique. (Certains, comme Geneviève Heuillet-Martin, séparent cet équilibre en deux : un équilibre pneumo-phonatoire et un équilibre phono-résonantiel, sans justification convaincante à mon sens.) À l'intérieur de certaines limites, le chanteur peut choisir la valeur des forces antagonistes qu'il oppose pour obtenir et préserver cet équilibre. En présence d'un déséquilibre, le chanteur peut soit accroître la force la plus faible, soit réduire la force la plus forte. La première solution est souvent la plus spontanée et la seconde la plus judicieuse.
Il ne s'agit plus là de l'équilibre pneumo-résonantiel, mais de l'équilibre (et, puisqu'il s'agit d'un équilibre dynamique et non statique, de la "lutte", ou collaboration si l'on veut être moins violent et plus positif) entre muscles inspirateurs et expirateurs qui prend place dans le torse pendant le chant.
Cette question est traitée dans l'article Appoggio.