Il est toujours intéressant d'apprendre que des images et des exercices que l'on utilise depuis longtemps peuvent être replacés dans une nouvelle perspective qui prétend leur donner sens et unité.
Même si nous ne souhaitons pas approfondir la philosophie qui sous-tend de tels systèmes, ils ont souvent l'avantage de détendre l'esprit en même temps que le corps, grâce au remplacement d'un enchevêtrement de "trucs" par un concept qui les englobe.
Ce cas de figure se rencontre souvent quand on aborde une discipline orientale après avoir pratiqué innocemment des exercices occidentaux !
La conception taoïste du mouvement circulaire continu fait partie de ces apports orientaux simplificateurs et unificateurs.
Pour le plus grand bonheur des chanteurs, Stephen Chun-Tao Cheng a déjà effectué le travail de vulgarisation de certains principes du tao, ainsi que le travail d'application du tao au chant.
L'apport principal de cette démarche consiste en la substitution d'un schéma de circulation continue au schéma occidental mécaniste binaire (pousser/tirer, inspirer/expirer...). Son apport au chant est évident.
Ainsi, pour rester en position d'inspiration tout en chantant (voir l'article sur l'Appoggio), vous ne devez pas cesser d'inspirer en interrompant brusquement l'activité de vos muscles inspirateurs, mais en faisant intervenir vos muscles expirateurs tout en maintenant un certain degré d'activité de vos muscles inspirateurs.
Cette transition et cet équilibre peuvent être difficiles à découvrir et établir. Le tao nous apporte la solution de la respiration circulaire continue. (Rien à voir avec la respiration que peuvent pratiquer les instrumentistes à vent !)
Selon ce schéma, on fait suivre en pensée un chemin différent à son souffle pendant l'inspiration et pendant l'expiration, l'ensemble du cycle dessinant donc une boucle.
On évite ainsi l'inversion complète de l'activité musculaire, le relâchement excessif, mais aussi la tension croissante qui peuvent résulter de l'enchaînement de cycles inspiratoires et expiratoires.
La méditation du grand cercle (exposée par Chun-Tao Cheng p.35) peut se pratiquer selon deux schémas :
Faire alterner ces deux schémas permet de ne pas privilégier :
Détaillons ce deuxième schéma (en supposant que l'on respire exclusivement par le nez) :
(Je m'excuse auprès de mes visiteurs taoïstes pour cette vulgarisation grossière qui ne retient plus aucun des principes philosophiques du tao ! Je cherche ici à aller encore plus loin que Chun-Tao Cheng sur la voie de l'application du tao au chant, sur un plan strictement pratique.)
Pendant la phase d'inspiration, il est important de laisser tout le "chemin" ouvert en permanence : au moment où l'air inspiré en premier arrive en bas de la colonne vertébrale, il faut continuer à accueillir l'air au niveau des narines.
(Ainsi, lors de l'attaque du son, le "chemin" des résonances de tête sera resté ouvert, la voix pourra être aérée, sa résonance pourra être pure et libre.)
De même, pendant la phase d'expiration, il ne faut pas lâcher d'un coup la musculature pelvienne, mais penser qu'elle doit rester en position pour accueillir l'air souhaitant suivre le chemin de sortie du corps.
(Ainsi, la voix pourra rester ancrée, soutenue, connectée. Elle conservera ses harmoniques les plus graves.)
Cette respiration circulaire "lisse" les toujours délicats changements de phase. Elle permet de conserver sa posture tout en passant souplement de l'inspiration à l'expiration : on n'inverse pas le mouvement, on le poursuit.
Il en résulte une grande détente, puisqu'aucune tension n'intervient ni a fortiori ne s'ajoute à une tension précédente.
La circulation harmonieuse (rayonnante, équilibrée, libre et détendue) de l'énergie entre le haut et le bas permet à votre voix d'être pleine, d'atteindre l'idéal chiaroscuro.