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(AFPC 2001) |
Précis de Respiration Vocale |
Comme dans l'ouvrage précédemment consacré par l'AFPC à l'Apport des Pratiques Corporelles, on aimerait trouver ici une comparaison critique de différents schémas respiratoires. En son absence, l'ouvrage est un peu écartelé entre une recherche de consensus qui limite certains exposés et l'absence d'une cohérence totale qui ne pourrait sans doute être le fait que d'un auteur unique.
Le recueil s'ouvre avec des exercices "préparatoires", dont la description n'est hélas pas assez précise pour qu'ils puissent être reproduits sans la conduite d'un professeur. (Des expressions comme étirer ou lever les bras ou bloquer le souffle sont sujettes à bien des interprétations ! Et page 14, il est toujours présomptueux de supposer que l'expiration est automatique. Ce que l'on considère soi-même comme un réflexe ne l'est presque jamais pour tout le monde !)
Page 16, l'exposé du fameux et apocryphe exercice "de Farinelli" pourrait être développé. La phrase Il s'agit de réaliser la dilatation complète mais non forcée de la zone ombilico-épigastrique ainsi que de la zone lombaire semble citer ou paraphraser un peu trop servilement Richard Miller, qui s'est lui-même attaché, par exemple, dans l'article de On the Art of Singing In Search of the Tenth Rib (p.239), à nuancer la concentration excessive sur la seule zone épigastro-ombilicale de ses premiers écrits. Pourquoi ne pas parler d'une expansion tout autour de la taille, ou du moins juste sous la limite de la cage thoracique, qui descend, comme le précise justement Miller, souvent plus bas qu'on ne le pense?
Sur cette même page 16, l'expiration ne mentionne d'ailleurs que le retour de la cage thoracique à sa position initiale, alors que l'abdomen va lui aussi se rétracter, à moins qu'il n'ait pas du tout été détendu lors de l'inspiration !
C'est d'ailleurs un reproche général que l'on peut faire à cet ouvrage, de souvent trop coller à un schéma respiratoire dit "naturel", qui se méfie de l'antagonisme musculaire (par exemple page 44, où il est très étrangement présenté comme une sorte d'annulation de toute action, une quasi anti-matière !) tout en recommandant un peu facilement la "synergie" ou l'"équilibre", mais qui indique aussi paradoxalement (page 29 et page 40) que l'abdomen devrait résister à l'inspiration pour permettre l'ouverture des côtes, ce qui constitue pour le coup un antagonisme parfaitement négatif.
Dans ce schéma excessivement "naturel" :
Toujours à propos de cet exercice "de Farinelli" de la page 16 :
Page 17, l'exercice pourrait également être conseillé sans apnées, comme ce sera généralement le cas en chantant.
Page 18 (exercice XVI-1), il serait plus simple de recommander d'inspirer dans la position du [s] (dans laquelle on expire) plutôt que comme à travers une paille.
Page 19 (exercice XVII-4), la dépression mentionnée semble contredire la demande de poser les mains au niveau des côtes flottantes. Si dépression il doit y avoir, ce ne peut être qu'entre les côtes flottantes et l'os iliaque, soit au niveau de la taille.
Page 19 toujours (paragraphe XVIII), la respiration claviculaire pourrait être recommandée pour une simple raison posturale (l'établissement de la position haute du sternum), plutôt que pour de mystérieuses raisons d'hygiène.
Page 23, il faudrait ajouter "déserte" après plage :-) et expliquer trapèzes. Sans doute ne sont-ce pas les mêmes que le trapèze évoqué assez confusément dans le dernier paragraphe. Page 35, une petite explication de diastole et systole serait aussi la bienvenue, bien que ces termes figurent dans tout bon dictionnaire, comme le coeliaque de la page 41.
Le compte-rendu des pages 26 et 27, particulièrement sujet à caution, comporte une phrase vraiment étrange en bas de la page 26 : rendre réflexe le relâchement du diaphragme après l'expiration. Cela veut-il faire allusion à la très courte phase de détente du diaphragme qui va précéder la reprise de souffle après une phrase chantée soutenue pendant laquelle le diaphragme a légèrement résisté à l'expiration en maintenant sa contraction dans le sens de l'inspiration (le seul dont il soit capable)? Ou bien cela reflète-t-il une conception erronée selon laquelle le diaphragme se relâcherait pour inspirer, alors que ce sont les abdominaux qui, par leur détente, l'entraînent vers le bas, mouvement complété par sa propre contraction et non sa détente?
Page 29, on trouve enfin mention de la synergie antagoniste exercée entre le diaphragme et les abdominaux. Hélas, c'est pour lire au paragraphe suivant que cet antagonisme est recherché pendant l'inspiration elle-même : c'est la contraction antagoniste des abdominaux qui fournit le point d'appui nécessaire à l'élévation des côtes !!!
Page 32, on trouve tout de même la mention rassurante que l'inspiration phonatoire demande moins de résistance des abdominaux, afin de pouvoir se faire plus vite et moins en tension. Ouf !
Page 46, la même conception semble reprise par un autre auteur, du moins si l'on change si le mur abdominal est relâché en "si le mur abdominal n'est pas relâché".
Page 32, la phrase Les représentations montrées sont les actions agonistes et non les antagonistes trahit une conception un peu confuse, ces actions musculaires étant en fait les mêmes et ayant lieu simultanément, qu'elles soient ou non antagonistes par rapport à d'autres.
Page 40, on croit avoir enfin droit à une présentation de la respiration complète de chanteur qu'annonce le titre, mais la respiration dite normale n'est toujours pas celle d'un chant soutenu : on y chante apparemment en expiration, en se "dégonflant" globalement un peu de partout, ce qui est certes bien "réparti", mais exclut tout appoggio, lequel est fondé sur une différenciation entre un étage expirateur (l'abdomen) et un étage qui maintient la position d'inspiration et résiste donc à l'expiration (le thorax).
Le schéma respiratoire suivant, censé être le fin du fin de la respiration adaptée au chant, n'est toujours pas ce que l'on attend. Il ajoute simplement au précédent une résistance abdominale décrite en des termes étonnamment violents (augmenter la pression dans l'abdomen ... masse et tonifie vigoureusement les viscères ... fait jaillir le sang de l'abdomen dans le thorax !!!). On ne peut s'empêcher de penser à Richard Miller critiquant plaisamment ces pratiques au cours de sa masterclasse de 2001 au CNSMDP : selon lui, cela n'aide pas à chanter mais à "faire du yaourt dans son estomac" ! :-)
Une fois achevée la lecture de ce recueil, on s'étonne de n'y avoir vu mentionner qu'une fois (page 27) un léger relâchement du sphincter anal et jamais je crois les termes "plancher pelvien", "périnée" ou "pubis". S'il s'agit d'un prolongement de l'auto-censure millerienne, est-il réfléchi ou inconscient? La mention insistante quoique non explicitée d'un "contrôle pelvien" du souffle est après tout une des seules idées de Giovanni Battista Lamperti que Richard Miller n'ait pas adoptée !
Après tous ces commentaires, il ne resterait plus qu'à décrire ce que je considère comme une respiration complète de chanteur, afin d'exposer à mon tour ma conception à la critique ! Ce sera j'espère chose faite très prochainement dans une nouvelle rubrique de ce site.