Pelléas et Mélisande OC
Opéra Comique • Paris • 30/04/2002
Marc Minkowski (dm)
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Pas de miracle hélas pour ce Pelléas "du centenaire". La plus grande déception vient d'un orchestre fort peu idiomatique, où l'on ne trouve ni la précision chirurgicale et la clarté analytique de Boulez au Châtelet, ni la poésie et les couleurs d'autres interprétations récentes. Il n'est pas aidé par l'acoustique de l'Opéra-Comique et son placement très en avant au-dessus de la fosse d'orchestre, la profondeur de la scène n'étant presque pas utilisée. (Mais j'imagine qu'un placement plus au fond a été essayé et était encore moins concluant !)
Dramatiquement, le plateau vocal a été dominé par François Le Roux, dont les quelques faiblesses et duretés vocales dans l'aigu pouvaient heurter l'oreille lors de la retransmission ultérieure sur France-Musiques mais étaient balayées dans la salle par l'intensité de son engagement et la cohérence de son personnage.
Jean-Sébastien Bou est un Pelléas très étonnant. Son émission très directe de la langue française, avec une couleur très barytonale mais avec très peu de couverture de l'aigu l'apparente à la technique de François Le Roux (quoiqu'à la différence de ce dernier il roule les "r") et l'éloigne donc autant que lui des critères du "bel canto", mais évoque encore davantage une émission de comédie musicale, voire de "belting". Le résultat est d'une grande puissance et d'une présence stupéfiante du premier rang d'orchestre au milieu où j'étais avant l'entr'acte, mais sonne un peu plat et terne du premier rang de l'amphithéâtre, d'où j'ai suivi la seconde partie. Sa voix saturait d'ailleurs les micros de Radio-France, mais son énergie acoustique n'était manifestement pas concentrée dans la région du formant du chanteur.
Jérôme Varnier et peut-être encore davantage, mais dans un rôle plus facile, Nicolas Testé ont offert une démonstration de magnifique chant français. Le naturel de l'émission est certes plus facile à concilier avec la beauté et la santé vocales dans une tessiture plus grave !
Magdalena Kozena nous a fait revenir au portrait classique de la Mélisande femme-enfant psychotique, après les femmes fatales de Susanne Mentzer (dans la mise en scène de Robert Wilson au Palais-Garnier) et d'Anne-Marguerite Werster (dans la formidable mise en scène de Pierre Médecin dans cette même salle avec le même Golaud en 1998) et la Mélisande plus intelligente d'Anne-Sofie Von Otter en concert au Théâtre des Champs-Élysées en 2000 (sorti depuis en CD). Son émission vocale qui semblait inconsistante à deux mètres emplissait cependant très bien toute la salle, malgré la multiplicité de ses effets exotiques jouant sur le souffle, l'expiration et le détimbrage.
Remarquons quand même que nous avons maintenant la chance de pouvoir entendre l'opéra de Debussy chanté par des chanteurs presque tous français prononçant parfaitement notre langue, ce qui semble aller de soi mais était pourtant impossible au mélomane voici encore quelques années.
Alain Zürcher