Écoutes de Spectacles

Chef et orchestre peu inspirés, plus engagés quand même après l'entracte. Pertusi est parfait de style comme de voix, il est bien le seul. Korchak est vaillant mais pousse sa voix en chantant trop ouvert, surtout en début de soirée. Maria Agresta a un médium riche mais est trop basse sur de nombreux aigus qui semblent hors de sa tessiture.

Cette remarquable production du Ring se conclut en beauté par une journée totalement réussie, tant à l'orchestre que chez les chanteurs. Les Filles du Rhin ont bien mûri depuis Der Rheingold. Linda Watson aussi, criarde à son entrée dans Die Walküre, est maintenant méconnaissable par la rondeur et la concentration de son timbre, par la noblesse de sa ligne et l'intensité de sa présence. Torsten Kerl est plus présent et sonore que dans Siegfried. Matti Salminen est un Hagen d'anthologie, fort justement cloué dans son fauteuil roulant par le metteur en scène Günter Krämer. Seule la Waltraute de Sophie Koch surprend : pourquoi cette superbe Fricka a-t-elle souhaité ou accepté de chanter ce rôle trop grave pour elle, qu'elle est contrainte de tuber de manière caricaturale et cependant peu efficace? L'ensemble des Nornes est superbe.

Ce Siegried n'a pas retrouvé l'élan sardonique de 2011. Il est vrai que les représentations du dimanche après-midi sont rarement très concentrées et engagées. Torsten Kerl est moins sonore que dans mon souvenir, à moins que ce soir l'amplification sélective ait été mal réglée? Wolfgang Ablingersperrhacke est toujours un formidable Mime. Mise en scène et décors kitsch et bouffe, bien adaptés à cette journée.

Cette Walkyrie est un peu plombée par la lecture très décomposée et analytique de Philippe Jordan, qui privilégie la lisibilité et la clarté dans des tempi posés. Il en résulte un manque d'élan dramatique, une absence de frisson particulièrement préjudiciable à cette journée du Ring. Le rôle de Brünnhilde commence par ses fameuses exclamations avant que Wagner ne lui offre de belles lignes qui s'approfondiront encore dans les deux jourénes suivantes. Sont-ce ces exclamations qui font entendre la voix de Linda Watson en éclats épars et ouverts? Elle ne regagne que peu à peu un centre et une ligne. Sophie Koch est admirable en Fricka. Stuart Skelton et Edith Haller forment un beau couple, alors que cette dernière remplace Martina Serafin prévue mais souffrante. Tous les chanteurs sont d'ailleurs excellents. Mise en scène et décors sobres.

Sans faute pour ce prologue du Ring, magnifiquement dirigé, joué et chanté. Belle mise en scène. Egils Silins est un superbe Wotan qui s'affirmera encore, sans faille, au cours des trois journées suivantes. L'éternelle Erda de Qiu Lin Zhang n'a pas vieilli. On regrette que Günther Groissböck (Fafner) ait tué l'impressionnant Fasolt de Lars Woldt, mais heureusement c'est Kurt Rydl qui viendra chanter Fafner dans Siegfried. Les Filles du Rhin ne sont pas homogènes et forcent un peu à qui mieux mieux. Elles se corrigeront magnifiquement pour Götterdämmerung.

Une comédie musicale plutôt qu'un opéra, scénarisée comme un film hollywoodien avec ses protagonistes bien typés. Une suite de numéros fondés sur des musiques populaires noires-américaines. Carlton Ford chante bien, Hlengiwe Mkhwanazi très bien. La deuxième partie est un peu ennuyeuse, mais la mise en scène est efficace.

Du théâtre mais musical, puisqu'entièrement accompagné par deux instrumentistes baroques qui créent une très belle atmosphère, et puisque la diction est à l'ancienne et donc plus chantante. Grande présence de Benjamin Lazar, grâce aussi au maquillage et aux lumières. Un texte formidable de justesse et d'ironie, qui à la manière des Lettres Persanes un siècle plus tard relativise les us et coutumes européens en les comparant à ceux de la Lune. Cyrano de Bergerac torpille carrément la société de son époque, mais surtout la religion et les préjugés de toutes les époques ! À voir jusqu'au 8 juin.

Cette nouvelle création parisienne d'une comédie musicale de Stephen Sondheim est originale. Son thème est en effet pictural, du moins au premier acte : un tableau que Georges Seurat peint sur l'Île de la Jatte. Le décor est tout trouvé, et grâce aux prouesses de la technique il peut être enveloppant, lumineux... et même animé ! Les personnages et leurs répliques ne sont pas inintéressants, c'est aussi un tableau d'époque et de milieu qui est brossé devant nous !
Le second acte se passe un siècle plus tard, dans une galerie d'art new-yorkaise puis sur l'Île de la Jatte maintenant construite. Le propos y sonne plus convenu, les airs sont distribués comme pour remplir des cases d'un programme marketing : l'air touchant de la vieille dame au musée, l'air positif américain "Va de l'avant !" - même si on ignore où et pourquoi... Privée de son attachant support esthétique et historique, le livret se révèle excessivement bavard. Les songs de Sondheim alignent leurs rimes de mirliton. Quant à sa musique, on n'y entend plus que les cellules indéfiniment répétées à l'identique, sans souffle, sans ligne ou plan plus vaste. L'orchestre est beau, mais l'orchestration est peu variée.
Si l'oeuvre déçoit, elle reste efficacement mise en scène, très bien jouée et chantée. On regrettera seulement les forçages de Sophie-Louise Dann. Ses accents de poissonnière sont à la rigueur adaptés à ses débuts de modèle, si l'on tient à souligner sa vulgarité. Mais son personnage évolue et gagne en maturité. Une émission plus lyrique aurait alors été plus adaptée à ses phrases plus longues et plus aiguës.

Avec une excellente présence scénique, Thomas Fersen tient très bien tous les rôles : narrateur, soldat, diable... et cela fonctionne ! Les musiciens, originalement disposés verticalement contre une paroi au fond de la scène, jouent également très bien. Magnifique violon solo de Laurent Pellegrino, percussions de Galdric Subirana...
À voir jusqu'au 2 mars au Théâtre de l'Athénée.