Die Frau ohne Schatten
Opéra Bastille • Paris • 08/01/2003
Orchestre et Choeurs de l'Opéra National de Paris
Maîtrise des Hauts-de-Seine, Choeurs d'enfants de l'Opéra National de Paris Ulf Schirmer (dm) Robert Wilson (ms) Giuseppe Frigeni (collaboration à la ms) Robert Wilson (d) Christophe Martin (collaboration aux d) Moidele Bickel (c) Robert Wilson et Andreas Fuchs (l) Holm Keller (dramaturgie) |
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Mise en scène glaciale pour une oeuvre glaciale. Ce n'est pas mal chanté, mais cela ne dégage aucune émotion.
Strauss semble tenter une fois de plus de battre son record, en écrivant le plus de notes pour le moins de musique possible, avec un succès certain, car si l'on retire les remplissages, les doublures, les redondances et les tautologies harmoniques, il doit rester moins de musique que dans une pièce de clavecin de Couperin d'une minute trente.
La mise en scène d'Andreas Homoki dirigée par Christoph von Dohnanyi au Châtelet en 1994 avait rendu cette oeuvre beaucoup plus intéressante et attachante. Ici, on n'a ni la chaleur idiomatique d'une représentation de routine dans un théâtre allemand, ni une vision qui sache nous captiver.
Chef et orchestre sont ininspirés au possible et aucun chanteur ne transcende les consignes wilsonniennes - ce qui arrive quand même parfois, donnant ainsi, aléatoirement, un intérêt ponctuel à telle ou telle production, à moins qu'il ne s'en dégage une ou deux idées, ce qui peut aussi arriver, même à Robert Wilson, par exemple le cercle de la scène des souterrains de Pelléas... Dans cette production, la seule idée est peut-être de faire jouer le solo de violoncelle sur scène, dans de belles lumières qui n'évoquent sans doute que fortuitement les couleurs du drapeau français. Ah si, l'escalier de l'Orphée de Gluck au Châtelet en 1999 est ici dans l'autre sens, ce qui en a certainement un !
Le choix de Robert Wilson pour mettre en scène La Femme sans Ombre est d'ailleurs un gag en soi, son système étant fondé sur les poursuites découpant chaque personnage et projetant, justement, son ombre bien distincte.
Le plus stupéfiant est peut-être que Robert Wilson n'ait absolument rien changé à sa recette pour traduire d'une manière ou d'une autre l'absence d'ombre, renonçant ainsi à utiliser sa maîtrise de la lumière à une fin pour une fois non gratuite.
La distribution respecte la tradition allemande des voix féminines dures et tirées dans l'aigu, ce qui s'accorde très bien avec les qualités de la mise en scène. Au moins les chanteurs n'étaient-ils ce soir apparemment pas amplifiés, peut-être pour ne pas interférer avec les multiples voix célestes diffusées par les hauts-parleurs avec une très mauvaise caractérisation de chaque personnage et un mauvais équilibre par rapport au plateau.
Jean-Philippe Lafont est égal à lui-même (en un peu plus usé :-), mais ne réussit guère à faire sortir l'humanité de son personnage du carcan wilsonnien, ce qui prive d'emblée l'oeuvre de tout contraste, sa femme n'étant elle-même qu'un décalque de la froideur "impériale", et l'impératrice (Susan Anthony) n'étant que tardivement et vélléitairement touchée par l'humanité de Barak, ce qui lui permet quand même le seul passage de beau chant de la soirée, avec une émission en tête enfin rayonnante et non forcée et durcie.
Les Ping Pang Pong locaux sont grotesques à souhait. Il n'y a pas grand chose à dire d'autre, aucun chanteur n'arrivant à tirer son épingle de ce jeu sinistre.
Alain Zürcher