The Turn of the Screw
Grand Théâtre • Angers • 11/03/2003
Ensemble orchestral
Neal Goren (dm) Sandrine Anglade (ms) Pascaline Verrier (chg) Claude-François Chestier (sc) Jérôme Kaplan (c) Éric Blosse (l) |
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Cet opéra doit être un régal de metteur en scène, car après tout on peut guider le spectateur vers des
interprétations très différentes, ou s'attacher à les laisser toutes ouvertes. Sandrine Anglade a bien transmis tout le
caractère étrange et inquiétant de l'oeuvre, notamment par une nette diabolisation du jeu de scène des
enfants, qui apparaissent même quand on ne les attend pas et semblent mener leur vie parallèlement à celle des
adultes, avec d'autres codes et d'autres valeurs.
Le jeu de tous les chanteurs est excellent, ce qui est d'autant plus important dans une petite salle qui ne
supporterait ni l'outrance ni l'approximation, mais les chanteurs s'intègrent aussi parfaitement dans un plan
d'ensemble où chacun semble être sa propre marionnette, que ses vêtements clairs détachent sur le fond noir.
Les "fantômes" Quint et Jessel, dans cette perspective, ne sont différents des vivants que par leur degré de
présence et non par leur nature.
On peut regretter l'usage un peu rebattu de la cage de scène nue, mais si elle apparaît trop en lumière au
début, elle ne forme ensuite le plus souvent qu'une "boîte noire" que l'on oublie vite, captivé par les
qualités dramatiques de l'oeuvre comme par la qualité de l'interprétation, qui traduit très bien la montée de
la tension dramatique.
Le seul élément de décor est un triangle montant et descendant des cintres (animé par le même marionnettiste
que les personnages? :-), auquel sont attachées des bandes de tissu qui dissimulent et découvrent
alternativement vivants et fantômes, comme une sorte de forêt mobile. Ça ne coûte pas cher et ça fonctionne.
Une crinoline descend aussi des cintres comme une cage prête à enfermer la gouvernante, mais non, elle
l'enfile et la portera jusqu'à la fin. Faut-il y voir un symbole de son assimilation à l'univers clos du
domaine, voire aux fantômes, Miss Jessel portant la même? C'est en tout cas une belle image.
Le costume de Miles est particulièrement réussi, avec sa veste cintrée claire aux épaules rembourrées qui lui donne un air de mauvais garçon angélique. Les autres costumes restent dans une neutralité un peu décevante, ni d'époque ni signifiante.
Vocalement, le plateau est remarquable. La voix chaude et puissante de Maria Soulis séduit particulièrement. Jun Suzuki ne force sa voix que l'instant d'un cri en voix parlée. Claire Pichon a déjà une bonne puissance, dont elle ne doit cependant pas abuser.
Alain Zürcher