La Bibliothèque du Professeur Van Mossolen RS
Péniche Opéra • Paris • 08/01/2004Ce très agréable spectacle nous replonge dans une époque où interprétation, création et parodie se mêlaient plus joyeusement qu'aujourd'hui. Peut-être celle de Cocteau, qui vient d'être évoqué par une exposition à Beaubourg?
Vincent Bouchot commence très fort en parcourant en accéléré le premier volume des Arie Antiche compilés par Parisotti, dans une interprétation parodique qui fera jubiler tout chanteur et professeur de chant ! Denis Chouillet n'est pas en reste, ne serait-ce qu'en caricaturant la gestuelle et les mimiques d'un accompagnateur. L'expression "chanteur-acteur" est devenue commune, mais ce spectacle et d'autres appellent le terme de "pianiste-acteur" !
Alternent ensuite intelligemment, sur le fil conducteur "comment réussir un récital", des mélodies classiques, des pièces commandées pour l'occasion et d'autres écrites par Denis Chouillet, qui quitte aussi son piano pour pianoter sur divers claviers miniatures. Ici et là, un thème en appelle un autre, Dalida surgit au détour d'une mélodie, L'Amour et la Vie d'une Femme de "l'homme-chaussure" (Schumann !) sont chantés dans une traduction française elle aussi parodique, car les jeux verbaux accompagnent les plaisanteries musicales. Soupir de Ravel est chanté sur l'accompagnement du même poème par Debussy et Après un rêve de Fauré est accompagné par un lecteur de cassettes pleurant ou scintillant... Nos deux complices jouent le plus grand sérieux sans s'y prendre, et le Professeur du titre apparaît régulièrement dans la découpe rectangulaire d'un projecteur pour prodiguer ses conseils télévisés aux jeunes générations.
Si Vincent Bouchot avait un peu déçu en mai 2002 en ne dépassant guère la citation et la parodie dans sa création Ubu, opéra à l'Opéra Comique, sa veine parodique est ici tout-à-fait bienvenue, comme précédemment dans sa "Belle Lurette".
Vocalement, Vincent Bouchot évoque souvent François Le Roux de manière frappante, jusque dans la manière de dégager les dents, de plisser le front ou d'écarquiller les yeux. D'une pièce à l'autre, la voix se timbre et se détimbre, part d'une qualité de diseur ou de fantaisiste pour prendre une qualité lyrique sur L'Été de Koechlin ou L'Homme qui n'y comprend rien de Bruno Gillet, pour finalement redevenir très claire sur la mélodie finale de Fauré. La recherche de variété ou le non-souci d'homogénéité le font passer de graves barytonaux à des aigus ténorisants.
Même quand Vincent Bouchot chante avec une richesse harmonique plus lyrique, sa respiration reste haute. A fortiori dans les passages en timbre clair et ouvert, l'émission est plus en expiration qu'en appoggio, mais cela ne nuit pas à ce type de programme.
Un très bon moment à passer jusqu'au 31 janvier 2004 à la Péniche Opéra.
Alain Zürcher