Viva l'Opéra (Comique)
Opéra Comique • Paris • 09/03/2004
Orchestre OstinatO
Jean-Luc Tingaud (dm) Robert Fortune (ms) Emmanuelle Favre (sc) Claude Masson (c) Philippe Grosperrin (l) |
|
Curieux objet que cette comédie lyrico-musicale ! Ce n'est pas un pastiche, puisque les airs qui y sont insérés le sont avec leurs paroles d'origine. Benoît Duteurtre n'est l'auteur que des dialogues qui relient ces airs, non pour donner un fil conducteur à des scènes choisies pour mettre en valeur des artistes, ni pour fondre en un seul, par exemple, tous les opéras inspirés par Beaumarchais... Il s'agit presque plutôt d'une conférence mise en scène, mais pas rébarbative du tout !
Les dialogues font souvent penser à une émission de télévision, où deux animateurs font semblant de s'interroger dans le but louable d'éduquer leur public de manière vivante et indolore. Au fil de la soirée, on apprend par exemple que tous les opéras-comiques ne sont pas comiques, et trois siècles de répertoire sont agréablement balayés, airs à l'appui.
Les décors et les costumes sont plaisants, la direction d'acteurs est légère et bien venue. Benoît Duteurtre en profite pour lancer un appel auquel on ne peut que se joindre pour la défense (et l'illustration !) de ce répertoire... notamment dans cette salle de l'Opéra-Comique, qui est une des héroïnes du livret.
La troupe réunie est adéquate :
Michel Trempont a toujours un abattage formidable et chante en guise d'apéritif, avec autant de facilité qu'un autre remonterait ses chaussettes, non pas un "largo !" mais un "place !" du Barbier de Séville, en français donc, opéra-comique oblige.
Michèle Lagrange est requise en tant que diva "Castafiore" et tient bien ce rôle. L'air Divinités du Styx semble néanmoins déplacé et ne la met pas en valeur, non plus que l'orchestre. Les airs qui lui sont attribués sont variés à l'excès, passant du soprano au mezzo, avec des résultats naturellement divers. Elle a parfois, surtout au début, des sonorités un peu ululantes ou "dans les joues", comme dirait Segalini. Même en seconde partie, elle chante un peu lourdement, en "soufflets", l'air de Madame Favart d'Offenbach - qui ressemble étrangement à du Grétry. Il n'est pas facile de lui demander à la fois d'interpréter une professeur de chant caricaturale et de s'incarner au premier degré dans les héroïnes de grands airs. Ce personnage de la comédie gagnerait peut-être à être recomposé.
Olivier Lallouette est bien sonnant, même s'il cravate parfois un peu, sans doute sous l'influence de la voix ampoulée fort amusante qu'il prend pour incarner son personnage de "bobo".
Victoria Manso a une jolie voix. Son français n'étant pas encore parfait, on en a judicieusement fait une cousine espagnole ! Son chant est souvent trop articulé de manière syllabique, ce qui nuit à la constance de la résonance de sa voix et donc tant à son legato qu'à son rayonnement au-dessus de l'orchestre. L'air de Thérèse des Mamelles de Tirésias de Poulenc lui va cependant très bien !
Scott Emerson se tire bien de ses airs de ténor léger. Le chant d'Agnès Bove est séduisant et on aimerait l'entendre davantage.
Un agréable spectacle donc, qui a semble-t-il voulu concilier le divertissement et l'intérêt didactique - susceptible d'attirer les publics scolaires et de promouvoir ainsi la sauvegarde de l'opéra-comique auprès des générations futures? Nul doute que Benoît Duteurtre saurait aussi concocter un spectacle plus délirant pour spectateurs déjà amoureux de ce répertoire. Peut-être une prochaine étape?
À voir jusqu'au 28 mars 2004 à l'Opéra Comique.
Alain Zürcher