Petra-Maria Schnitzer et Peter Seiffert R
Théâtre du Châtelet • Paris • 10/03/2004
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Ce récital permettait d'entendre deux grands chanteurs wagnériens dans un répertoire plus intimiste. Si Peter Seiffert, déjà apprécié l'an dernier à Munich en Siegmund, a une carrière wagnérienne déjà bien affirmée, son épouse Petra-Maria Schnitzer s'engage aussi résolument dans cette voie. Le couple a chanté Elsa et Lohengrin cet été à Bayreuth et on pourra bientôt l'entendre ici-même au Châtelet en Elisabeth et Tannhäuser.
Si la voix de Petra-Maria Schnitzer semble d'abord mieux se plier au Lied, avec souplesse et musicalité, Peter Seiffert s'impose aussi dans ses Lieder solistes, surtout quand un engagement quelque peu "héroïque" est requis. C'est dans les duos que l'équilibre est le plus délicat à établir. Si le couple se montre charmant en scène, la fusion musicale non seulement des deux voix mais des deux phrasés peut encore être approfondie.
Charles Spencer a un jeu très élégant et délicat. Il fait étonnamment bien sonner ce Steinway du Châtelet, si dur sous d'autres doigts. La demie-teinte permanente ne convient cependant pas aux deux voix, qui seraient mieux soutenues par un pianiste parfois plus enflammé. Cette finesse les empêche par contre de tomber dans aucune lourdeur, ce qui est un écueil possible pour un chanteur dont Wagner est le pain quotidien. On ne peut qu'admirer la capacité du couple à passer d'un répertoire à l'autre. Il est par contre évident qu'il s'agit d'un récital de vrais chanteurs avec de vraies voix, ce qui a pu dérouter une partie du public habitué à plus de maniérisme détimbré que de legato.
Rien ce soir ne pouvait faire grimacer un professeur de chant. Tout au plus remarque-t-on que Peter Seiffert a un petit problème pour timbrer son grave. Tout le reste de sa tessiture est très efficacement timbré, "sur i" dirait-on, mais ce timbrage ne fonctionne plus dans le grave, où il est obligé de négocier un passage d'autant plus délicat que ce timbrage convenant au haut-médium a été conduit (trop?) loin dans le bas-médium. Sa voix semble ce soir plus fraîche (mieux reposée?) que lors de sa Walkyrie de mai dernier. On entend ici la couleur convenant à Lohengrin... et, espère-t-on, à Tannhaüser !
Petra Maria Schnitzer a le courage de chanter la première série des Fêtes Galantes de Debussy. Son phrasé comme son français sont parfaitement idiomatiques et font penser à Susan Graham. Ce ne sont que des détails qu'elle peut encore améliorer ici et là : distinction parfaite entre consonnes voisées et non voisées, couleur du "è", absence totale de "n" à la fin des voyelles nasalisées.
Le programme de ce récital peut être en partie retrouvé sur le disque récemment enregistré par le couple.
Alain Zürcher