David et Jonathas O
Théâtre des Champs-Élysées • Paris • 20/03/2004
Emmanuelle Haïm (dm)
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Aucune mise en scène ni mise en espace n'a été nécessaire ce soir pour transmettre la beauté et l'expressivité de cette oeuvre de Marc-Antoine Charpentier. Tragédie en musique, elle est particulièrement bien construite : le livret est en effet d'un père jésuite qui s'y connaissait en rhétorique ! L'ouvrage était destiné à être donné par les élèves du collège jésuite Louis-le-Grand, chaque acte alternant avec ceux d'une tragédie en latin sur le même thème, Saül.
Si l'orchestre conclut chaque acte par un postlude, l'action démarre très efficacement au début de chaque acte et même dès le prologue. Action ou plutôt dialogues ou monologues, renforcés ou non par le choeur, qui exposent et explorent des situations "cornéliennes" et les passions qu'elles déclenchent.
L'orchestre de l'Âge des Lumières met admirablement en valeur, sous la direction d'Emmanuelle Haïm, une musique extrêmement bien écrite, dont on entend toutes les strates avec une magnifique clarté et lisibilité, jusqu'aux cordes graves très distinctes et présentes. Orchestration et interprétation sont ici aussi un chef d'oeuvre de rhétorique !
Si l'orchestre anglais joue cette musique française à la perfection, il est encore plus remarquable que les choristes chantent dans un français parfait, c'est à dire non seulement compréhensible, mais stylistiquement juste et vocalement efficace. à l'exception des quatre premiers rôles cités ci-dessus, tous les petits rôles solistes sont en outre remarquablement tenus par des chanteurs du choeur. Ce qui n'empêche pas le choeur dans son ensemble de sonner magnifiquement !
L'oeuvre étant destinée à des élèves, il semblerait que l'écriture vocale reste dans des limites confortables, n'incitant jamais au forçage et permettant une déclamation naturelle sur des voyelles bien différenciées.
Laurent Naouri s'impose avec une déclamation royale, sans accents intempestifs. Tout aussi expressif, Mark Padmore a une splendide émission mixte très concentrée, sans aucun son trop ouvert ni trop appuyé, ni trop clair ni trop sombre. Jaël Azzaretti, superbe dans son air du quatrième acte, gagnerait par contre à concentrer davantage son émission, parfois un peu trop ouverte et donc légère.
Andrew Foster-Williams a des graves clairs, pas du tout grossis. Richard Burkhard a une émission percutante et saine, avec une bonne diction française. Daniel Auchincloss a une intéressante voix légère de haute-contre, avec des aigus très mixtes en quasi-fausset, qu'il peut donc ouvrir sans jamais les crier, avec une excellente diction très naturelle, et des graves en voix pleine. Grace Davidson a une agréable voix jeune et fraîche et un excellent français, comme John Mackenzie, dont les ouvertures buccales paraissant excessives dans le grave donnent cependant de bons résultats.
Bref, un quasi sans fautes, fruit de ce que l'on devine être une excellente préparation. Et l'acoustique du Théâtre des Champs-Élysées est toujours une merveille pour ce répertoire !
À écouter le 11 avril 2004 à Salzburg.
Alain Zürcher