Écoutes de Spectacles

Carissimi, le maître O

Abbatiale • F • 19/09/2004
Concerto Italiano
Rinaldo Alessandrini (dm)
Anna Simboli, soprano
Monica Piccinini, soprano
Andrea Arrivabene, alto
Gianluca Ferrarini, ténor
Sergio Foresti, basse

Ce concert illustre le thème du festival d'Ambronay 2004 : Charpentier et l'Italie, où il a été comme Alessandro Scarlatti élève de Carissimi.
Toute "italienne" qu'ait pu être jugée en France la musique de Charpentier, elle requiert manifestement un style et des qualités très différentes de celle de Scarlatti. Le Concerto Italiano a en effet conclu son concert par une interprétation magistrale du Magnificat de ce dernier, alors que son interprétation de Charpentier, qu'il abordait pour la première fois à la demande d'Alain Brunet, directeur du festival, a semblé parfois exotique. Sans doute aussi le Magnificat de Scarlatti leur est-il familier de plus longue date.

Dans les oeuvres italiennes, la vocalité de l'ensemble est très vivante et souple, l'équilibre des voix se modifiant très naturellement à chaque nouvelle entrée de chacun. Si les voix semblent s'épanouir librement mais sans vulgarité dans Scarlatti, dont la richesse polyphonique est parfaitement traduite, les oeuvres de Charpentier sonnent par contre "débraillées" et donnent un peu le mal de mer. Même dans le De Profundis, on a parfois l'impression d'entendre du chant populaire (napolitain?) ou un pochade de Vecchi. L'interprétation du Magnificat de Charpentier est cependant de meilleure tenue.

L'ensemble souffre aussi ce soir d'une disparité trop grande des cinq voix, en termes de timbre comme de phrasé.
Sergio Foresti est une très belle basse claire et bien sonnante, nullement grossie, qui donne à l'ensemble une excellente assise.
Gianluca Ferrarini a une jolie voix, claire mais équilibrée. Son phrasé est élégant et de belle tenue, ce qui est d'autant plus rare pour un ténor !

Hélas, les voix féminines ne sont pas du même niveau. à moins que Rinaldo Alessandrini ne recherche pas les mêmes qualités chez ces dernières? Les voix de dessus doivent-elles vraiment claironner sans rigueur pendant que les hommes seuls maintiennent la structure des oeuvres? Est-ce le fait d'une vision italienne plus "concertante"?
L'émission très relâchée, empâtée et donc peu sonore d'Andrea Arrivabene laisse entre dessus et voix masculines un vide qui accentue le contraste entre les deux.
Monica Piccinini conduit mieux une voix plus homogène que celle d'Anna Simboli. Il en résulte un meilleur équilibre dans les ensembles.
Anna Simboli a le type de timbre perçant, évoquant un hautbois, qui séduit quand il est juvénile mais peut se dégrader rapidement faute de technique. Dans le De Profundis de Charpentier, c'est elle qui tient la partie de dessus. L'équilibre de sa voix avec celle d'Andrea Arrivabene est particulièrement défectueux.
Si Andrea Arrivabene semble physiquement un peu avachie, Anna Simboli a une posture qui consternerait tout professeur de chant, voûtée, penchée, bougeant la tête et la rentrant dans les épaules. Ses ouvertures buccales ne semblent pas très libres non plus. Elle varie ses couleurs en ouvrant la bouche parfois latéralement, lèvres plaquées aux dents, parfois en tubant, lèvres avancées. Ses ondulations physiques créent aussi dans son timbre et dans son phrasé des inégalités, saillies et "trous" moins volontaires. L'absence de soutien stable de sa voix rend tout piano soutenu impossible.

On ressort heureusement enchanté de ce concert, grâce à un Magnificat de Scarlatti à la fois bien structuré et très enlevé. Charpentier reste à approfondir, ainsi que l'équilibre des voix !