Zaide OC
Théâtre des Champs-Élysées • Paris • 16/10/2004
Ton Koopman (dm)
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La saison de Jeanine Roze au Théâtre des Champs-Élysées permet de découvrir un opéra peu connu de Mozart. Opéra ou plutôt Singspiel, pièce de théâtre mêlée d'airs et ensembles. Composé par Mozart avant l'Enlèvement au Sérail et jamais donné de son vivant, il est inachevé. Les textes parlés sont réécrits au gré de ses reprises. Il sont ce soir en français et dits par Daniel Mesguich. Le spectacle résultant de cette alternance de parlé amplifié en français et de chanté non amplifié en allemand est forcément très décousu.
L'ouverture et le final ont été choisis par Ton Koopman dans l'oeuvre de Mozart. Ce sont finalement les parties orchestrales les plus originales de la soirée. L'ouverture fait entendre les belles sonorités sombres des violons (surtout du premier). Elle est ponctuée de solos instrumentaux qui introduisent une fantaisie bienvenue. Le final offre les sonorités amusantes de ses cordes. L'Orchestre Baroque d'Amsterdam semble composé d'individualités plaisantes qui se fondent en un ensemble vivant, même si la perfection instrumentale et la précision des attaques et des fins de phrases ne sont pas toujours au rendez-vous. Les musiciens manifestent autant de plaisir à jouer ensemble que Ton Koopman à les diriger.
Ton Koopman semble avoir voulu insuffler cet esprit ludique à l'oeuvre entière. Les chanteurs apparaissent en costumes (autrichiens?) de couleurs assorties, et le sultan Soliman ensuite en robe orientale et turban dans les mêmes tons solaires. Malheureusement, si l'oeuvre ne manque pas de beaux airs, les solistes choisis ne leur rendent pas pleinement justice : ils ont des gabarits d'oratorio plus que d'opéra, et Paul Agnew en sultan courroucé est un contre-emploi absolu : on ne croit pas un instant à ses airs de rage et de vengeance. Ce Singspiel n'est pas non plus d'une grande variété ni d'une grande richesse, même si l'orchestration en est déjà intelligente, notamment dans l'utilisation des vents, sans atteindre de loin le délire de turqueries de l'Enlèvement au Sérail.
Le bel air de Zaide "Ruhe sanft" est le seul extrait de la partition bien connu du public : il figure en effet en bonne place dans les récitals mozartiens de bien des sopranos. Lisa Larsson en donne une version agréable quoique légère de timbre et courte de ligne. Son émission est claire et élégante mais manque du sostenuto requis par "Ruhe sanft" comme du dramatisme requis par "Tiger". Elle partage avec tous les chanteurs de la soirée une respiration haute et bruyante. Son expiration est du coup également thoracique. Sa posture n'est jamais très verticale ni son thorax bien ouvert. Cette technique explique son timbre clair et son phrasé court.
Klaus Mertens est aussi une basse très claire, plutôt barytonnante, aux graves peu sonores et aux aigus faciles. Comme Jörg Dürmüller, il séduit par une émission très naturelle.
Le premier air de Paul Agnew présente des sauts d'intervalles redoutables, qui requerraient une tessiture large et homogène ainsi qu'un soutien vocal plus solide, ancré dans une posture plus stable. Paul Agnew semble rechercher un naturel de timbre et de phrasé proche de la voix parlée. Son timbre chanté surgit par éclats épars, sans aucune homogénéité entre le grave et l'aigu.
Les voix réunies étant toutes légères, elles s'allient très bien dans les intéressants ensembles qui ponctuent la partition.
Diffusion sur France-Musiques le 17 novembre à 20h.
Alain Zürcher