Sandrine Piau a offert en récital la quasi-totalité de son récent enregistrement d'airs de Haendel.
Si le disque débute sur le vocalisant "Scoglio d'immota fronte" de Scipione, qui lui va à merveille, son récital s'ouvre sur les airs a priori moins excitants d'Orlando, Radamisto et Rodelinda, exécutés avec une certaine tiédeur peut-être attribuable au trac. Techniquement, sa voix reste un peu trop en bouche, son timbre ne s'affranchissant pas de l'articulation.
Le "Se pietà" de Giulio Cesare est l'amorce d'un plus grand engagement, mais qui n'a encore rien à voir avec l'effusion physique et émotionnelle totale de sa reprise en dernier bis. Sandrine Piau chante alors enfin avec toute son âme mais aussi tout son corps. Grâce à cette émission libérée et parfaitement connectée, ses aigus, parfois maigres en première partie, rayonnent enfin. Son legato est parfait et l'intensité de son engagement transcende la légèreté de sa voix. Peut-être elle-même s'est-elle surprise d'arriver à cet épanouissement? Est-ce un nouveau palier franchi dans la lente progression d'une carrière menée avec opiniâtreté, où l'apparence d'un tempérament farouche dissimule peut-être une timidité toujours à vaincre? Il est étrange de retrouver cette timidité dans la manière de saluer de deux artistes aussi aguerris que Sandrine Piau et Christophe Rousset, son fidèle complice de longue date. Un peu pâles comme Sandrine Piau en première partie, Christophe Rousset et ses Talens Lyriques brûlent à l'unisson de ce dernier bis.
Le dernier air inscrit au programme, le "Scoglio d'immota fronte" de Scipione susmentionné, a enfin permis à Sandrine Piau de libérer sa verve virtuose. Les passages d'agilité semblent chez elle permettre ensuite l'épanouissement des passages plus soutenus. En premier bis, son "Cor di padre" de Tamerlano est touchant et élégant. "Combattuta da due venti", de Faramondo, air à nouveau brillant, lui permet de bien libérer ses aigus. "M'ai resa infelice" de Deidamia est plus central et ample, mais ne semble pas hors de sa vocalité, pour peu qu'elle trouve la détente et l'engagement qu'elle manifeste en cette fin de récital.
Loin de ses débuts où elle faisait office de "petite soeur plus légère" de Véronique Gens, Sandrine Piau affirme, au fil de ses récitals Mozart, Debussy et maintenant Haendel, une personnalité musicale rayonnante assise sur un travail technique remarquable. Il lui reste à apprendre à nous régaler chaque fois de l'épanouissement complet de sa voix.
Alain Zürcher