Brockes-Passion O
Théâtre des Champs-Élysées • Paris • 23/03/2005
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Au même moment que Händel, Telemann a mis en musique le texte de Brockes narrant la passion du Christ. Au fil de l'oeuvre, on reconnaît des extraits repris par Bach pour le texte de sa Passion selon Saint-Jean. à vrai dire, les passages les plus horriblement piétistes de cette dernière proviennent de Brockes ! ("Betrachte meine Seele" et "Mein teurer Heiland").
C'est aussi l'occasion de comparer l'inspiration de Bach et celle de Telemann. Bach semble chaque fois repartir de l'idée expressive de Telemann pour la porter infiniment plus loin - par exemple dans l'air de basse avec choeur "Eilt". La Brockes-Passion de Telemann est constituée d'une succession de morceaux courts, dramatiques et souvent figuratifs mais qui sonnent à la longue un peu simples et plats, au premier degré, malgré la variété de leurs orchestrations : Judas et Pierre sont ainsi caractérisés de manière amusante, et un trio d'âmes croyantes sur "Es ist vollbracht" sonne de manière originale.
On retrouve l'espace de quelques instants des formules d'opéra, ainsi l'aria di paragone (air de comparaison) quand la Fille de Sion évoque des griffes de lion où l'on entend passer le "Va tacito" du Giulio Cesare de Händel, tandis que l'air "Heil der Welt" de la Fille de Sion semble commencer comme le "Se pieta" de Cléôpatre dans la même oeuvre, avant d'alterner étonnamment rapidement avec un passage vif.
Le plateau vocal réuni remplit correctement son rôle.
Kobie van Rensburg a ce type de timbre perçant qui peut sonner désagréablement aux oreilles de certains mais qui devient facilement comique - ici pour caractériser le personnage de Pierre.
Dietrich Henschel sonne moins laryngé dans cette tessiture grave du Christ. Sa respiration reste haute.
Sandrine Piau traduit toujours une émouvante fragilité avec une grande solidité technique.
L'émission d'Annette Dasch est serrée par manque d'agilité de l'articulation comme de constance du soutien. Faute de maintenir une ouverture physique et de soutenir une ligne vocale, elle lâche et pousse alternativement des notes pas toujours justes.
Marie-Claude Chappuis a des interventions très diverses, où sa voix sonne d'abord pointue et tendue avant de se détendre en deuxième partie dans une tessiture plus grave.
Son rôle d'évangéliste met souvent Johannes Chum à nu, auquel cas sa voix paraît souvent d'abord étranglée et dissonnante, avant de s'épanouir plus agréablement.
Une oeuvre intéressante à découvrir, mais que l'on n'écouterait peut-être pas en boucle.
À écouter le 5 mai à 20h sur France-Musiques.
Alain Zürcher