Messiah O
Théâtre des Champs-Élysées • Paris • 12/12/2005
René Jacobs (dm)
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René Jacobs a offert ce soir une interprétation magnifique d'équilibre et de finesse du Messie de Haendel. Grave et sobre, elle a définitivement pris congé des habitudes d'interprétation romantique qui imprégnaient encore récemment les versions même sur instruments anciens. Comme toujours avec René Jacobs, tout respire et sonne juste et les tempi semblent évidents.
Toutes les nuances s'inscrivent dans un cadre bien contenu. Sur le mot "death" de l'air "The people that walked in darkness", le son des violons devient ténu et inquiétant. La pifa sonne pastorale mais sans forcer le trait. L'orchestre trouve une superbe couleur aussi pour le récit de l'ange.
Jusqu'à l'entrée de Kerstin Avemo, on aurait pu graver en direct un enregistrement de référence. La voix de cette dernière est hélas inégale, conséquence peut-être d'une respiration qui semble très défectueuse. Elle forme artificiellement, serre et appuie certaines syllabes par rapport à d'autres. Son phrasé est souvent relâché, parfois vulgaire. Ses attaques ne sont pas pures, les voyelles arrivent avec retard. Dans la deuxième partie, son émission est de meilleure tenue mais on ne comprend pas grand chose. La troisième partie la trouve complètement anémique. Cette jeune chanteuse sonne déjà plus frelatée que fraîche et fait regretter la Camilla Tilling d'abord annoncée.
Le reste de la distribution est magnifique. Kobie van Rensburg a une voix légère mais au phrasé subtil et souple. Patricia Bardon est superbe, son "He was despised" est bouleversant. Lawrence Zazzo déploie des couleurs vocales chatoyantes. David Pittsinger conjugue autorité vocale et agilité dans son récit et son premier air. Dans le dernier, "The trumpet shall sound", d'autant plus périlleux que René Jacobs le fait accompagner par une unique trompette, il est moins à l'aise mais a le courage de varier sa mélodie en reprise, quoique les appoggiature affaiblissent plutôt l'"immortality" de la fin de la partie B.
Le choeur du Clare College de Cambridge est d'une limpidité magnifique qui permet de suivre toutes les voix. Bien qu'une bonne partie du public croie que le concert est terminé à la fin de la deuxième partie, René Jacobs et son équipe réussissent à maintenir concentration et tension jusqu'à la fin.
À écouter le 13 janvier à 20h au Théâtre des Champs-Élysées puis sur France-Musique le 23 janvier 2006 à 20h.
Alain Zürcher