Théâtre Graslin - 17/12/2005 - Critique par l'Atelier du Chanteur"> L'Étoile - Nantes - <A href="http://www.angers-nantes-opera.com/">Théâtre Graslin</A> - 17/12/2005

Écoutes de Spectacles

L'Étoile

 • Nantes • 17/12/2005
Orchestre National des Pays de la Loire
Choeur d'Angers Nantes Opéra
Chef de Choeur : Xavier Ribes
Laurent Campellone (dm)
Emmanuelle Bastet (ms)
Laura Scozzi (chg)
Duncan Hayler (dc)
Pierre Gaillardot (l)
Le Roi Ouf 1er  :  Éric Huchet
Siroco  :  Vincent Pavesi
Hérisson de Porc-Épic  :  Simon Jaunin
Tapioca  :  Jean Delescluse
Lazuli  :  Sophie Marilley
La Princesse Laoula  :  Magali Léger
Aloès  :  Marie Lenormand
Patacha  :  Michel Eumont
Zalzal  :  Éric Vrain
"Madame Bihour"  :  Jean-Marc Bihour

Encore une intelligente coproduction de la part d'Angers-Nantes Opéra, cette fois avec le Grand Théâtre de la ville de Luxembourg. Version positive : cette production est un magnifique écrin pour une distribution homogène de jeunes chanteurs. Version plus nuancée : une aussi belle production mériterait un plateau vocal plus aguerri. Les voix de plusieurs chanteurs ne sont en effet pas encore totalement épanouies. Elles offrent dès lors des inégalités de registres et une diction chantée qui requiert parfois un petit effort de compréhension de la part du public.

Rien à reprocher en tout cas à Laurent Campellone qui, très attentif à ses chanteurs, ne les couvre jamais. La retenue que cela nécessite nuit cependant à la qualité et à la variété de la pâte sonore de cette partition. Les passages bouffe pourraient parfois être rendus avec plus de folie, mais les passages tendres manquent souvent de chair.

Emmanuelle Bastet a transformé le royaume d'Ouf 1er en grand magasin, ce qui en traduit bien le dérisoire. Ouf 1er se déguise lui-même en Père Noël pour se mêler à ses sujets, occupation favorite des monarques d'opérette. Les décors et costumes rouge et or de Duncan Hayler rendent magnifiquement bien l'ambiance. Une porte vitrée d'ascenseur a même été intégrée au rideau de scène. Elle s'ouvre et se ferme le temps d'interludes parlés joués dans l'ascenseur (et au son d'un jingle d'ascenseur !), c'est à dire devant le rideau, où l'ensemble de la troupe se trouve parfois comiquement comprimée.
De multiples trouvailles émaillent le spectacle, toujours amusantes et bien en situation. Seule la figuration, certes très enlevée, du supplice du pal sur une table d'opération affaiblit quelque peu l'humour corrosif de la scène. Les scènes parlées sont très réussies. On attend avec impatience les prochaines mises en scène d'Emmanuelle Bastet, plus connue ces dernières années en tant qu'assistante des plus intéressants metteurs en scène.

Toute la troupe joue très bien, avec une mention spéciale pour Vincent Pavesi, qui campe un astrologue hypocondriaque d'anthologie - devenu "directeur de la sécurité" moustachu ! Son rôle ne lui pose bien sûr aucun problème vocal. Éric Huchet joue également bien et a une émission franche et sonore. Jean Delescluse est un bon Tapioca, parfait dans ses poses du "défilé de mode" en lequel Emmanuelle Bastet transforme la présentation de la fiancée. Simon Jaunin n'est par contre pas très caractérisé vocalement en Hérisson.

Le plateau vocal féminin est dominé par Magali Léger, toujours aussi délicieuse. Le rôle de Laoula n'offre pas d'aigus à sa voix légère, mais elle timbre parfaitement son médium, émis avec un beau legato. Marie Lenormand gagne en clarté d'émission après l'entracte. Sophie Marilley laisse un peu perplexe dans le rôle très présent de Lazuli. Ses aigus sont brillants et pleins, ils sonnent libres mais ne semblent pas pouvoir se prêter à beaucoup de nuances. Le grave de sa voix est sonore et on y entend un timbre de contralto. Le médium, qui devrait être la région la plus facile et efficace de sa voix, sonne faible et artificiel, souvent prisonnier d'une articulation trop appuyée, ce qui incite à penser que Sophie Marilley ne chante pas encore vraiment "dans sa voix".

Jean-Marc Bihour joue à merveille un personnage ajouté désopilant. Chef de rayon ou, comme il est présenté, "directrice de ressources humaines", son rôle travesti contribue à nourrir la fiction du grand magasin et à en exploiter les ressources... comiques.
Emmanuelle Bastet et Laura Scozzi ne reculent pas non plus devant la chorégraphie du finale de l'acte II, sorte de parodie d'Offenbach dans son déchaînement burlesque à la suite de la déploration du "malheur" de Laoula. On pense aux chorégraphies de la classe d'opérette de Nicole Broissin, dont "Madame Bihour" semble parfois aussi s'inspirer - clin d'oeil volontaire ou non? Le duo de la "Chartreuse verte" se termine aussi en une chorégraphie qui met bien en valeur sa parodie de musique de cour.

Le public a réservé un accueil enthousiaste à la dernière nantaise de ce spectacle.

À voir à Angers les 28, 30 et 31 décembre 2005.