Idomeneo OC
Théâtre des Champs-Élysées • Paris • 15/09/2006
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On peut reconnaître à William Christie le mérite de lancer de jeunes chanteurs. Il s'offre aussi ce soir, à lui et son orchestre, un plaisir mozartien à échelle raisonnable.
Sans doute cette production serait-elle plus percutante dans une salle plus petite. Ici, l'orchestre séduit dès l'ouverture par un tempo juste et un excellent tonus, mais le plateau vocal réuni est un peu léger pour la taille de la salle. La distribution est certes homogène. Paul Agnew, qui n'a pas la carrure d'un Idomeneo ni les moyens de son "Fuor del mar", en paraît moins déplacé, entouré qu'il est de voix certes jeunes mais à la chair un peu maigre et à l'émission bien claire.
Claire Debono a d'abord une émission très en avant, presque "vers le bout du nez", un peu dure, ouverte, pointue, latérale. Elle s'affirme peu à peu et rend justice à son air "Se il padre perdei", sans y être très excitante pour autant. à l'acte III, sa finesse d'articulation et de sentiment séduit.
Tuva Semmingsen présente une émission à la fois claire et un peu empâtée. Sa nuque ne semble pas avoir la force de soutenir sa tête - ni son larynx? ! Ses ouvertures buccales souvent excessives tendent à blanchir sa voix.
Violet Noorduyn trouve d'emblée une émission plus concentrée, moins ouverte et surarticulée que ses consoeurs. Elle crie quand même les aigus de son air "Tutte nel cor vi sento", et un léger Knödel fait trembler sa voix dans "Idol mio, se ritroso" au second acte.
Seul à être franchement mauvais, Carlo Allemano coince dans le nez les aigus d'Arbace et beugle son Grand Prêtre.
Paul Agnew est de moins en moins homogène au fil de la soirée. Sa voix se disperse en éclats épars, lancés par les secousses physiques qui lui tiennent lieu de soutien depuis plusieurs années. à l'acte III, il n'ajoute guère au bel équilibre vocal du quatuor, mais ne le perturbe pas non plus. Dans la douceur de sa scène avec Idamante, il est très touchant.
Toute la fin de l'oeuvre est touchante et belle. D'une voix pourtant assez serrée, Violet Noorduyn y insère efficacement son "O smania" qui contraste avec la liesse générale.
Quand ils ne forcent pas comme dans "Nettuno s'onori" à la fin de l'acte I, les choeurs sont beaux et efficaces, tant dans la douceur de "Placido è il mar" que dans la vigueur de "Qual nuovo terrore", où l'orchestre retrouve son tonus. à la fin de l'acte II, le choeur "Corriamo, fuggiamo" est très en place et très efficace vocalement comme dramatiquement.
Bref, c'est très bien fait, mais bien peu excitant. L'oeuvre même, pourtant si belle et riche, en paraît fade.
Alain Zürcher