Née sous l'égide d'Emmanuel Krivine, la Chambre Philharmonique est constituée de musiciens issus des meilleures formations européennes. Elle proposait ce soir un programme dont les deux oeuvres principales ont été composées autour de 1840. Grâce au choix d'instruments d'époque, nuances et couleurs étaient au rendez-vous. Chaque instrument, chaque son pouvait être perçu individuellement, ce qui définit justement un orchestre de "chambre", malgré son effectif fourni !
Il en découle une nécessaire excellence du jeu individuel et une direction d'ensemble très fine, puisque "tout s'entend", rien n'étant noyé dans une confortable pâte sonore. Les oreilles habituées au son des orchestres "modernes" devront faire un petit effort pour accepter l'absence de "fondu" d'un résultat sonore qui est tout sauf lisse. Dans Berlioz, Gardiner nous a certes déjà bien nettoyé les oreilles, par exemple lors de ses Troyens au Châtelet.
Si on reste quand même parfois un peu sur sa faim, frustré de certains élans, par exemple dans la première et la dernière mélodie des Nuits d'Été, la cause en est sans doute l'écoute très respectueuse de la chanteuse par le chef. Un bel accord se construit entre les couleurs vocales et orchestrales. La voix de Karine Deshayes est claire dans le sens positif d'une pureté de diction et de définition des voyelles, jamais grossies. Elle est cependant aussi ronde, "crémeuse" dirait-on. Une onctuosité de surface qui ne sonne plus du tout "dans les joues", comme parfois à ses débuts. D'ailleurs, elle n'a plus de joues, ayant épanoui non seulement la voix mais aussi la silhouette d'une grande chanteuse.
Son médium est très coloré et a trouvé une excellente relation avec le grave tout en restant en tête. Ses "i" et "é" restent bien latéraux et clairs, tout en étant bien connectés, sauf quand ils pâtissent, sur certains aigus, d'une respiration encore un peu haute. Déjà plusieurs fois entendue dans ces pages, Karine Deshayes développe sa carrière sur les scènes françaises et internationales, comme en témoigne son agenda. L'agenda de la Chambre Philharmonique n'est pas moins chargé !
Alain Z?rcher