Marie-Nicole Lemieux R
Théâtre des Champs-Élysées • Paris • 06/02/2009
Daniel Blumenthal (piano)
Antoine Tamestit (alto) |
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Non contente d'être une pétulante chanteuse éminemment sympathique, Marie-Nicole Lemieux s'attaque au coeur du répertoire du Lied allemand, le plus romantique, le plus chanté et le plus enregistré. Comme ses enregistrements précédents de Lieder et de mélodies nous y avait habitués, elle s'y montre d'une sobriété exemplaire, et ne se lâche qu'entre deux bis pour remercier son public, une fois retombée la tension d'un premier récital dans cette salle prestigieuse mais surtout grande. Marie-Nicole Lemieux n'y force pas du tout sa voix, ses forte même étant très canalisés sinon retenus.
Marie-Nicole Lemieux n'a cessé de travailler depuis sa rapide percée. Elle a parcouru un beau chemin depuis son récital de 2005 à l'Athénée. Sa respiration, encore bruyante en début de soirée, se calme peu à peu, et elle gère sans problème les longs phrasés de son programme - par exemple dans le superbe Mondnacht de Schumann. Son Zwielicht est superbe, tranquille et bien ancré malgré ses respirations encore un peu hautes.
Sa diction allemande est excellente, une ou deux erreurs ne faisant que souligner le mérite du travail accompli pour la maîtriser. Elle n'est moins claire que dans l'opus 91 de Brahms, sans doute à cause de sa tessiture plus grave.
Au sortir d'un Frauenliebe und -leben nuancé, quelques Lieder de Brahms égaient un peu son récital et permettent à Marie-Nicole Lemieux de montrer d'autres qualités, avant de terminer tout de même sur le très sérieux et intense Von ewiger Liebe. Si le début du Liederkreis opus 39 avait pu faire craindre un certain flottement de la pulsation, Die Mainacht séduit par la liberté de sa nonchalance au piano et à la voix. Ici non plus, les forte ne sont jamais criés ou ouverts.
Plus aucune trace de souffle mêlé à sa voix, ni de ce timbre naguère un peu "dans les joues" ou de ce léger cheveu sur la langue. En fait, vocalement, son programme pourtant long et exigeant ne semble lui poser aucun problème. Maintenant qu'elle a magistralement réussi à se canaliser et concentrer, on aimerait presque lui demander de se lâcher un peu plus ! C'est en bis dans Widmung que son timbre semble tout d'un coup plus riche et librement rayonnant, sa ligne vocale plus franchement engagée et conduite. Ne manquait-il pas encore quelque chose de cet ordre-là au reste de son programme? Toutes les notes semblent faciles mais un peu retenues, "assurées" avec prudence, ce qui ne libère pas encore toute la palette possible de leurs harmoniques... et de leurs sentiments. Nul doute que Marie-Nicole Lemieux va continuer à grandir dans ce répertoire !
Alain Zürcher