Thomas Quasthoff C
Théâtre des Champs-Élysées • Paris • 13/03/2009
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Le baryton-basse allemand Thomas Quasthoff a offert une fois de plus une leçon de chant au public du Théâtre des Champs-Élysées. La sincérité de son engagement est parfois presque insoutenable. Solide comme un roc depuis tant d'années de carrière, il irradie pleinement chaque émotion dans sa juste couleur vocale. La connexion est chez lui pleine et directe entre l'âme et le corps, le souffle et la voix, le texte transmis par sa diction parfaite. Il a l'art de garder ses aigus profondément ancrés ("great light" dans le Messie, "arise" dans l'air de Joshua) et d'émettre des graves pleins et sonores sans jamais les grossir. Sa gestion du souffle est imperturbable. Physiquement, il est dans la musique, se balance toujours à son rythme, toujours dans la juste pulsation, le phrasé juste.
Autour de lui, les Berliner Barock Solisten semblent animés d'un sérieux, d'une conscience professionnelle inimaginables en France. Certes, leurs tutti sonnent un peu comme feu l'ensemble de Jean-François Paillard, mais ils se rattrapent dans l'Offrande Musicale, où leur intériorité fait merveille, et même leur concerto brandebourgeois est superbe de continuité, entraîné par l'esprit collectif né de la rigueur de chacun.
Le programme n'est pas simplement composé des cantates solistes pour basse les plus célèbres de Bach, telles que Thomas Quasthoff les a enregistrées avec le même ensemble. De la cantate 82, il ne retient même que le dernier air, certes le plus allant mais aussi le moins facile et séduisant au premier abord.
C'est avec un aria da capo direct et tonique qu'il amorce son programme. Le récit suivant est par contre l'occasion d'user de couleurs vocales plus subtiles. En seconde partie, l'air choisi du Messie est le plus sombre et chromatique, mais il termine sur l'air plus brillant et opératique de Joshua, "See, the raging flames arise", à la redoutable étendue vocale. En bis, le programme se replie sur l'intériorité du seul récit de l'air "Mache dich mein Herze rein" de la Passion selon Saint Matthieu. Une indisposition de Rainer Kussmaul nous priva peut-être de bis supplémentaires, achevant le concert sur cette suspension d'avant l'aria.
Alain Zürcher