La Resurrezione O
Théâtre des Champs-Élysées • Paris • 01/04/2009
|
Sous la direction d'Emmanuelle Haïm, le Concert d'Astrée a donné une version magistrale de La Resurrezione. Avec cet oratorio créé à Rome en 1708, Emmanuelle Haïm semble poursuivre une exploration chronologique des oratorios de Haendel, amorcée avec Il trionfo del Tempo e del Disinganno, premier oratorio de Haendel écrit en 1707.
Le plateau vocal réuni est exceptionnel. Les cinq voix sont idéalement différenciées, affichent chacune une technique vocale superbe et se complètent très bien dans les ensembles. Pour les deux choeurs qui closent chaque partie, Lucifer vient même se joindre aux autres pour chanter la basse !
Dans cet oratorio, Haendel a merveilleusement dépeint des sentiments contrastés sur un livret de très bonne facture. De nombreux airs se retrouveront dans ses opéras avec d'autres paroles. On y retrouve la même forme d'aria da capo et les mêmes airs de comparaison (paragone), bucoliques ("Augelletti, ruscelleti" !) ou de rage, tel "O voi, dell'Erebo" de Lucifer qui deviendra l'année suivante "Col raggio placido" dans Agrippina.
Si Haendel avait connu Lorenzo Regazzo, il l'aurait certainement engagé pour chanter Lucifer ! Souvent apprécié ici-même, il y déploie sa verve coutumière - et a même cessé de chanter d'un côté de la bouche ! Camilla Tilling, admirée à chacune de ses apparitions aixoises ou parisiennes, sonne légère dans son premier air mais est ensuite admirable. Kate Royal a une voix tout aussi superbe, empreinte de chaleur et de douceur quand elle dialogue avec les flûtes dans son premier air. Sonia Prina, elle aussi souvent appréciée, ne force pas son émission et est comme à son habitude très expressive. Toby Spence n'en finit pas de mûrir et de s'améliorer vocalement. Il convient ce soir étonnamment bien à un rôle que l'on aurait jugé naguère trop grave pour lui. Il réussit à relier un médium corsé avec des incursions claires et douces dans l'aigu.
Emmanuelle Haïm et son ensemble collent de manière inouïe à l'expression de chaque sentiment. Pour l'air de Marie-Madeleine "Per me già di morir", les flûtes créent une coloration incroyable ! Pour l'air de Saint Jean "Cosi la tortorella", les inquiétants motifs descendants des cordes contrastent idéalement avec la mélodie qui plane au-dessus en compagnie de la flûte traversière. L'ensemble est remarquable par sa finesse, sa netteté d'attaque et sa conduite des phrases musicales. On ne regrettera que le tempo délirant de "Naufragando va per l'onde" - qui permet quand même un beau contraste avec sa partie centrale plus lente.
À écouter ultérieurement sur France-Musique.
Alain Zürcher