Harmonies angevines C
Opéra Comique • Paris • 28/04/2009
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Sous un prétexte vaguement angevin, ce programme renoue en fait avec la tradition des concerts "pot-pourri" qui n'a été supplanté que relativement récemment par la mode des "intégrales" et d'une certaine "authenticité". Mode désormais révolue, et la capacité de concentration du public actuel n'est-elle pas plus basse que jamais? Remarquablement enthousiaste ou inculte, celui de ce soir a tenu à signaler sa satisfaction entre toutes les mélodies d'un même compositeur et tous les mouvements d'une même oeuvre, à l'exception d'un adagio qui l'a laissé de marbre. Concert traditionnellement "à rallonge", celui-ci a été modifié et raccourci par rapport à son programme initial mais dure quand même presque 2h30.
Le programme donne surtout l'occasion d'entendre Amel Brahim-Djelloul et Marc Mauillon, toujours très séduisants musicalement et vocalement. Les amateurs de musique de chambre ne sont pas oubliés, et si les chanteurs cherchent à égayer la soirée par d'amusants duos, les instrumentistes saisissent l'occasion de jouer le deuxième quatuor avec piano de Fauré, peu connu. Ils concluent ainsi de manière très engagée un programme amorcé avec la Prière de Moïse d'Offenbach, qui les motive beaucoup moins et semble trahir un faible niveau instrumental, ou du moins un faible niveau de préparation ! On retrouve dans cette oeuvre d'Offenbach violoncelliste un thème de Rossini exposé d'abord au violoncelle.
Entre ces deux oeuvres, on a heureusement échappé à Mendelssohn initialement prévu, mais les deux duos de Véronique de Messager ont quand même été glissés, pour le plus grand plaisir du public. Délicieuse Véronique, Amel Brahim-Djelloul trouve en Marc Mauillon un bien meilleur partenaire qu'au Châtelet en janvier 2008. Impeccables de style, ils sont accompagnés au piano par David Bismuth, qui ne fait pas regretter l'orchestre de Messager.
Amel Brahim-Djelloul surarticule d'abord ses Adieux de l'hôtesse arabe, coupant trop la ligne des voyelles et nuisant à la compréhension des paroles. Dès L'invitation au voyage de Chabrier, son émission est plus liée, mais avec des césures étranges au milieu des phrases. Elle gère bien les nombreux passages en poitrine de la partition. Dans la version plus connue de Duparc, elle intercale encore une respiration avant "du monde", mais a la sagesse de ne pas forcer les limites de sa voix. Dans les deux mélodies suivantes de Chabrier, Marc Mauillon a une diction d'un remarquable naturel, avec des ouvertures buccales très raisonnables. España semble l'inspirer davantage que le pianiste, qui pourrait libérer un jeu plus brillant. Le Nocturne de Lekeu, mort à 24 ans en 1894, est une belle découverte ! Il est écrit pour voix, quatuor à cordes et piano. Dans les deux duos de Chausson, les deux voix s'accordent très bien.
Autre pièce de résistance instrumentale, la sonate pour flûte, alto et harpe de Debussy est interprétée par Isabelle Moretti avec une sonorité inégale et noyée de pédale, ainsi que par les excellents Michel Moraguès et Sabine Toutain. Après deux "chansons" de Roussel, joliment chantées par Amel accompagnée par la flûte de Michel Moraguès, Marc Mauillon montre toutes les qualités d'un très grand mélodiste dans ses deux mélodies de Ravel.
La soirée est rythmée par le choc sourd des feutres retombant sur les cordes du piano, particulièrement amplifié par la fosse d'orchestre sur laquelle il repose, qui contribue à donner à certaines pièces comme le quatuor de Fauré une densité étrangement germanique dans le grave !
Alain Zürcher