Cosi fan tutte
Théâtre des Champs-Élysées • Paris • 28/09/2009
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Un jeune chef et un jeune orchestre abordant Cosi, voici qui pourrait renouveler l'approche de cette oeuvre ! Mais Jérémie Rhorer n'est pas un extrémiste ni un feu follet. Sous sa baguette, Mozart sonne plus naturel que jamais, presque trop simple, voire plat ! On frissonne de plaisir au phrasé moqueur des violons qui accompagne l'entrée de ces dames, mais ces promesses d'ironie ne sont pas tenues. Le duo "Il cor vi dono" commence bien mais ne progresse pas, semblant même se calmer peu à peu. Est-ce pour montrer que la séduction est un jeu amer que personne ne souhaite mener à son terme, plus écoeuré de la faiblesse humaine qu'enivré de la victoire? "Per pietà" est superbe mais si calme et lent ! Andreas Wolf a un magnifique chiaroscuro bien équilibré, brillant sans excès, grave sans grossissement, mais son "Donne mie", quoique plein, équilibré et stable, n'a pas l'abattage que l'on attend de cet air. Benjamin Bruns a lui aussi une émission très saine et équilibrée, toujours bien connectée, même dans l'aigu, à son corps et à son grave. Son "Un aura amorosa" est tendre à souhait, mais l'ensemble des interprètes semble traduire quelque chose d'un peu anémique ou découragé, blasé ou trop prévisible. Le "Come scoglio" d'Alexandra Coku, au grave prudent, n'impressionne pas comme il le devrait. Sans insister sur la justesse des cors naturels, toujours très délicate dans "Per pietà", le Cercle de l'Harmonie montre dans l'ouverture les limites de sa précision instrumentale et rythmique. Il entre ensuite plus fermement dans l'oeuvre, mais sans jamais dépasser un niveau de bonne exécution prévisible.
Seuls Simone Alberghini et Claire Debono, le couple manipulateur de cette histoire, affirment un certain charisme dans le cynisme. Cela est certes une juste lecture de l'oeuvre. Leurs marionnettes mâles et femelles sont d'ailleurs aussi très expressives, même si cet ouvrage n'a été donné qu'en version de concert à Beaune cet été, et encore par une distribution en grande partie différente. Mais il manque toujours un je ne sais quoi d'énergie ou de folie.
Les ensembles sont par contre splendides, servis par cette clarté qui ailleurs aplatit presque l'oeuvre. Le diapason à 430, qui retire du brillant aux solos, permet aux ensembles une aisance et une douceur qui en flattent le caractère et en améliorent l'équilibre. Les "Io crepo se non rido" d'Alfonso sont parfaitement "à part" dans le deuxième quintette, de même que sa voix se mêle parfaitement aux deux autres dans le trio suivant, chanté lui dans un premier degré faussement sincère. La juxtaposition de ces deux ensembles suffirait à elle seule à témoigner du génie de Da Ponte et de Mozart, mais aussi de la qualité d'interprète de Simone Alberghini. Dans le trio "Soave sia il vento", il ne semble pas cesser de parler, rien de plus, et ce faisant il tient pourtant sa ligne musicale avec une justesse et un équilibre rares.
Cette production est chaleureusement applaudie par le public, mais ce dernier n'emplit de loin pas la salle, ce qui ajoute à la tiédeur inquiète de la soirée comme de la rentrée parisienne.
Alain Zürcher