Xerse OC
Théâtre des Champs-Élysées • Paris • 29/09/2009
Jérôme Correas (dm)
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Pour cet opéra de Cavalli, Jérôme Correas a réuni un orchestre très idiomatique avec ses deux cornets, et un plateau vocal varié mais équilibré. On a plaisir à retrouver côte à côte l'ancienne génération et la nouvelle. On constate d'une part que Guillemette Laurens et Jean-Paul Fouchécourt n'ont rien perdu de leurs moyens vocaux, d'autre part qu'Isabelle Druet et Jean-François Lombard en sont les dignes héritiers quant à l'intelligence musicale et dramatique.
Guillemette Laurens laisse entendre des graves superbes et son phrasé vaut bien une masterclasse de chant baroque. Jean-Paul Fouchécourt est en forme, ayant cessé d'élargir, pousser, ouvrir ou coincer certains sons : sa voix n'a jamais été aussi homogène et son timbre a perdu toute nasalité. Il est désopilant en père dans la scène du quiproquo ! Culminant dans son numéro de vendeur de fleurs, Jean-François Lombard est tout aussi désopilant et extraordinairement idiomatique, offrant une sorte d'équivalent ténor de Lorenzo Regazzo.
À leurs côtés, Kristina Hammarstroem campe un Xerse d'abord un peu sec (mais aux [r] un peu grassement roulés !), qui prend vie après l'entracte et brûle les planches en duo avec Anna Maria Panzarella et dans son air "Lasciatemi morire". Anna Maria Panzarella est toujours excellente dans ses récits mais plus inégale dans ses airs, dont elle pousse parfois les aigus de manière inutile et déplacée. Arnaud Marzorati apporte son excellence habituelle, mais rien de plus. Eugénie Warnier semble un peu raide d'émission, ne semblant pas s'épanouir dans son personnage - il est vrai secondaire et encore rétréci par les coupures. Plutôt serrée dans les vocalises de son air "Più rigido", Magali Léger manifeste une belle morbidezza dans "Non voglio più languir", accompagné par les seuls harpe et théorbe. Dans ce répertoire et avec cet effectif instrumental, la soirée prouve que la finesse est toujours plus payante que la force.
Isabelle Philippe, bien connue pour ses prises de rôles à Compiègne, gagnerait encore à trouver un meilleur alignement vertical, un ancrage et une connexion plus constante de sa voix à sa "colonne d'air". Plus que dans ses premiers airs virtuoses, elle est très touchante dans son air "L'amerò" du second acte, et fait flotter de sublimes sons filés sur "il traditor adoro" puis sur la note finale de son air. Elle est aussi très engagée physiquement et émotionnellement dans un superbe "Che barbara pietà".
L'opéra de Cavalli est donné ce soir avec de nombreuses coupures. Il n'en reste pas moins grouillant de vitalité et de péripéties. Si l'on fait l'effort d'attention nécessaire pour suivre l'histoire, celle-ci nous tient en haleine. L'oeuvre s'ouvre sur un "Ombra mai fù", mais bien différent de celui d'Haendel. Musicalement comme dramatiquement, c'est l'efficacité qui prime, avec des personnages multiples et contrastés. Les récitatifs pétillent et amènent quelques airs et duos. Chaque personnage principal a son air triste au dernier acte puis tout se termine bien.
À écouter dimanche 18 octobre 2009 à 14h30 sur France-Musique.
Alain Zürcher