Au temps des croisades
Théâtre de l'Athénée • Paris • 18/12/2009
Christophe Grapperon (dm)
Philippe Nicolle (ms) Sophie Deck (d) Elisabeth de Sauverzac (c) Hervé Dilé (l) |
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La compagnie Les Brigands vient nous réjouir comme chaque année pour les fêtes au théâtre de l'Athénée. Alliée cette fois à la compagnie de théâtre de rue Les 26 000 couverts et mise en scène par son directeur Philippe Nicolle, elle semble y puiser une nouvelle jeunesse. Ils ont choisi il est vrai les auteurs les plus décapants qui soient, ceux-là même qui ont aussi commis la Fiancée du scaphandrier, Franc-Nohain et Claude Terrasse. Ces derniers tirent naturellement parti de tous les jeux de mots et décalages offerts par le cadre d'un "Moyen-Âge" de pacotille !
Droit de cuissage et ceinture de chasteté formant le noeud du problème, ce Temps des croisades a rapidement été interdit par la censure. Le seigneur du lieu est en effet parti pour la Palestine en emportant la clé (de la ceinture de chasteté), et sans exercer le susdit droit sur la personne de deux demoiselles qui doivent donc attendre son retour pour convoler avec leurs futurs époux ! Parmi les clichés moyenâgeux, la chasse au faucon fait l'objet d'un premier ensemble désopilant. Ses protagonistes arborent de grotesques coupes au bol et sont affublés de tuniques à écussons d'inspiration automobile !
Les Brigands ajoutent leur humour au livret de Franc-Nohain, qu'ils distendent, enluminent, laissent flotter puis resserrent avec virtuosité. Charlotte Saliou incarne une châtelaine particulièrement déjantée, qui promène d'abord l'ennui d'une dame de livre d'heures, avant de finir en Nina Hagen de cirque. Sa chevelure ne descend pas jusqu'au pied de la tour mais fait l'objet de gags en cascade. Les mimiques et jeux de scène de tous les acteurs sont d'ailleurs formidables de drôlerie au second degré, avec de nombreux moments vraiment jubilatoires !
Vocalement, c'est toujours un équilibre délicat mais efficace entre émission de variété et émission lyrique. Charlotte Saliou maîtrise les deux, au prix d'une transition parfois acrobatique entre un aigu lyrique et un grave très poitriné. La musique n'est pas en elle-même transcendante, mais sert efficacement le propos, notamment dans les ensembles de rigueur.
Venant de la compagnie des 26000, Christophe Arnulf agrémente le spectacle de bruitages animaliers et s'invite sur scène en parasite de cocktail, avec une dégaine de Gaston Lagaffe alcoolique. Car la Palestine est aussi une liqueur, qui soulage bien des maux, y compris féminins ! Et si la liqueur n'y suffit pas, son Dulcamara de vendeur y pourvoit ! Gilles Bugeaud trouve là un rôle dans ses cordes, comme Jacques Ville en Adalbert. Olivier Dureuil est aussi désopilant dans la composition de son personage.
La Palestine offre aussi l'occasion d'une parodie de spot publicitaire, joué dans la cheminée devenant pour l'occasion petit écran. Quant à l'entracte, il ne sert plus à satisfaire de naturels besoins, mais est entièrement récupéré et joué par la troupe. C'est l'occasion pour Christophe Grapperon de nous vanter avec Franc-Nohain et Claude Terrasse les vertus du Coaltar saponiné de la maison Leboeuf !
Alain Zürcher
À voir au Théâtre de l'Athénée jusqu'au 3 janvier 2010 puis en tournée jusqu'au 2 mars 2010.