Barbe-Bleue
Opéra • Massy • 09/03/2010
Orchestre de Chambre Pelléas
Choeur de l'Opéra de Fribourg Benjamin Lévy (dm) Jean Bellorini et Marie Ballet (ms) Nicolas Diaz (sc) Laurianne Scimemi (c) Jean Bellorini (l) |
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L'opéra de Massy a la bonne idée de présenter, en coproduction avec l'Opéra de Fribourg et le Théâtre Musical de Besançon, le rare Barbe-Bleue d'Offenbach. Créé la même année que La Vie Parisienne, cet opéra-bouffe fort réussi est en effet bien moins souvent repris. Au disque, un seul enregistrement ancien de l'ORTF est régulièrement réédité. Était-ce son complément visuel que l'on avait pu voir à l'Auditorium du Louvre lors de son cycle d'opérette filmée en 2002?
Benjamin Lévy connaît cependant bien cette oeuvre, première à être montée par la compagnie Les Brigands sous sa baguette en 2001. L'orchestre Pelléas, qu'il a fondé depuis, lui permet de la diriger à nouveau dans une orchestration plus riche. On admire toujours la vivacité et la justesse stylistique de sa direction. Ses musiciens répondent au quart de tour, dans une ambiance qui semble ausssi détendue que celle du plateau.
Opéra bouffe et donc parfaitement immoral, Barbe-Bleue fait mourir hommes et femmes aussi légèrement, avant de les ressusciter et marier in extremis ! La mise en scène est presque aussi décapante que l'oeuvre, dans laquelle elle introduit plaisamment force barbe à papa. Pourquoi pas? Naïveté et cruauté de l'enfance caractérisent ce conte !
Quand le roi incarné par Vincent Vittoz entre en scène, on passe cependant dans une classe supérieure et on réalise rétrospectivement que le début de l'oeuvre était joué un peu sagement, par des tempéraments et avec des projections vocales tout juste suffisantes. Vincent Vittoz évoque quant à lui le Vice-Roi d'anthologie joué par Jean Le Poulain dans une Périchole projetée lors de ce même cycle du Louvre.
La distribution réunit des types vocaux très différents, ce qui pourrait poser problème dans une oeuvre lyrique mais est ici tout à fait adapté, chaque personnage étant bien typé. Richard Ackermann a par exemple une émission très efficace mais un peu dure, tandis que Vincent Deliau offre un velouté et un style français exemplaire. David Ghilardi est bien distribué en Prince Saphir, comme Jeanne-Marie Lévy en Reine Clémentine. Eva Fiechter a l'abattage nécessaire au rôle de Boulotte, dans lequel on pourrait aller encore plus loin, tant il est propice à la charge et au délire. Il est intéressant de noter qu'il a été créé par Hortense Schneider, comme la Belle Hélène, la Grande-Duchesse de Gérolstein et la Périchole !
Christophe Crapez a le physique idéal pour incarner Barbe-Bleue. S'il chante ses premiers aigus très ouverts, il trouve ensuite une émission plus concentrée et efficace. Le choeur et les ensembles sont excellents.
La partition offre aussi bien des passages plus poétiques, merveilleusement rendus par l'orchestre et souvent la mise en scène, comme avec cette très belle image des cinq femmes de Barbe-Bleue avançant dans leurs tombeaux. Tout le spectacle est superbe visuellement, gai et coloré.
Alain Zürcher